Notes & Docs - 28.10.2008
Trois messages à nos partenaires
Entre menaces conjoncturelles de la crise financière internationale et opportunités structurelles de la mondialisation le débat est nécessairement intense. Mais, les flux d’IDE récents montrent que les tendances lourdes font que l’entreprise européenne a un besoin accrue de travailler avec le Maghreb pour répondre à la forte concurrence internationale.
Les opérateurs notent également que dans cette étape de la mondialisation c’est les acteurs de proximité donc euro-med qui sauront s’intégrer dans la logique : qualité/ délai / créativité qui remporteront la mise.
Donc, la véritable opportunité structurelle que peut représenter la mondialisation c’est, à mon avis, celle de favoriser un plus grand partage des activités de production et de services entre l’Europe et le Maghreb.
Un mouvement accru de délocalisation de l’Europe vers le Maghreb permettra d’accroître certainement la compétitivité et la capacité de production d'ensemble des entreprises euro-med.
Ce mouvement est en outre davantage favorisé par le renchérissement des prix des pays de l’Est européen. Plusieurs exemples concrets de retour de l’Est vers la Tunisie notamment dans les secteurs du textile et des composants automobiles l’attestent clairement.
Concrétiser ces opportunités exige des actions exogènes au Maghreb, et bien entendu des actions endogènes à nos pays.
Dans ce cadre, et pour aller dans le sens des interventions de ce matin, je voudrais adresser ces quelques messages à nos partenaires européens, puis à nous même pays Maghrébins.
Je commencerais par nos partenaires Européens :
1 er message : Ce n‘est pas seulement l’avenir des industries du Sud qui est menacé par la concurrence asiatique c’est vos industries européennes qui sont menacées en 1er. Face à la percée chinoise vous avez le choix entre :
- Disparaître à terme devant la concurrence asiatique par des délocalisations totales et lointaines.
- Partager le travail par des délocalisations partielles et de proximité.
Plusieurs économistes notent que : Si l’Europe, et l’euro-med, ne veut pas devenir une friche industrielle, pour ne pas être marginalisé, son avenir dans ce secteur est lié au renforcement de ses liens avec les pays de proximité.
2 éme message :
Plutôt que de subir les événements feignez au moins de les organiser.
Puisque le mouvement de relocalisation, deretour des pays de l’Est vers le Maghreb, est en marche, inéluctablement, l’UE peut l’accompagner intelligemment :
- en appuyant les projets de modernisation et d’infrastructure par exemple comme le fait déjà la commission avec le PMI ou la BEI avec les technopôles en Tunisie,
- en instaurant un « made in » euro-med plutôt qu’un « made in » Europe,
- en ouvrant l’accès aux programmes R&D pour les pays du Sud, c’est à dire en
fait dans une large mesure aux filiales européennes implantées au Sud…etc
La liste des actions en faveur de l’euro med est longue et connue.
Sa mise en œuvre donnerait un contenu concret à l’initiative française d’Union Méditerranéenne qui pourrait se baser sur une orientation économique stratégique : faire du Maghreb l'arrière pays de l'Europe du Sud qui permettrait à cette dernière de faire face à la concurrence.
Et donc 3éme message à l’adresse de l’UE
Ce que nous vous demandons nous pays du Sud c’est exactement ce que demande une entreprise à son Administration nationale : soyez efficace et faite preuve d'audace. Mais l'audace aujourd’hui c'est aussi l'audace vers le Sud.
Et Il y en a bien besoin lorsque l’on sait que chacun des pays maghrébins reçoit de l’Europe moins de 1 % de ce que reçoit un pays de l’Est.
Et là je ne peux que citer le Cercle qui déjà en 2003 proposait de multiplier par 10 l’appui européen au Maghreb pour se rapprocher de 10 % de ce que reçoivent les pays de l’Est.
Après ces messages au Nord, je propose que nous, maghrébins, nous regardions également devant nos portes :
Permettez-moi donc de nous interpeller entre nous maghrébins.
1- Est –il concevable qu’au moment ou nous entrons tous en ZLE avec l’UE nous n’arrivons pas à instaurer une telle zone entre pays maghrébins ?
2- que des produits soient exonérés de DD à l’entrée d’un pays maghrébin s’ils proviennent d’Europe et pas s’ils proviennent du Maghreb ?
3- que nous n’exploitons pas ensemble l’immense pouvoir de négociation
que nous donnerait un marché maghrébin industriel et énergétique ?
Un collègue européen me disait que vu la véritable angoisse qu’éprouve l’Europe vis à vis de la question énergétique, le Maghreb pourrait obtenir toutes les contreparties technologiques s’il exerçait un tel pouvoir de négociation.
Permettez-moi pour finir de parler un peu de la Tunisie car malgré ce manque d’entrain du Nord et cette faible intégration du Sud, nos entreprises réalisent des prouesses.
L’évolution de nos exportations industrielles passant de 2,3 à 8,9 milliards d’euros entre 1995 et 2007 faisant de la Tunisie le premier pays exportateur du Sud de la Méditerranée et le pays qui attire le plus d’entreprises européennes est, je pense, la meilleure illustration de ce propos. Notre objectif pour 2016 est d’atteindre 20 milliards d’euros d’exportations industrielles.
Cela veut dire que la bataille de la compétitivité est loin d’être perdue et que grâce au redéploiement réussi par nos industriels vers le circuit court, la qualité, la créativité , nous avons pu gagner des positions solides sur des créneaux précis.
Le 1 er janvier 2008, nos entreprises entrerons dans une période cruciale de leur évolution de par l’importance des défis auxquels elles se trouveront confrontées.
Les changements majeurs de leur environnement national et international leur imposeront d’intégrer plus rapidement les méthodes les plus évoluées de production et de marketing, mais offrirons également de nouvelles opportunités de croissance aux entreprises qui sauront s’adapter rapidement pour en tirer profit.
C'est généralement le cas de nos "champions industriels nationaux", plusieurs d'entre eux sont dans cette salle, et il m'est particulièrement agréable de souligner leurs performances, réalisées dans un contexte de concurrence exacerbée.
Ces résultats sont le fruit du travail acharné de l'entreprise tunisienne qui constitue notre vraie richesse et nous devons tous, fonctionnaires, patrons, cadres et ouvriers, être jaloux de sa pérennité.
Les résultats probants réalisés par un grand nombre d’entreprises prouvent que l’industrie tunisienne a été capable de relever les défis et je suis convaincu qu’elle est capable d’affronter la prochaine étape avec succès pour atteindre les objectifs ambitieux assignés par Son Excellence Monsieur le Président de la République, visant à faire de la Tunisie, un pôle international de production.
Afif Chelbi
Ministre de l’Industrie, de l’Energie et des PME
(*) Extraits de l’intervention de M. Afif Chelbi, Ministre de l’Industrie, de l’Energie et des PME, à l’occasion du Young Méditerranean Leaders Forum, Tunis 17 octobre 2008