Notes & Docs - 01.11.2008

Tunisie Pays du Bien-être : Un potentiel porteur mais exigeant

Riche de ses eaux thermales ancestrales, de sa position géographique, de la compétence de ses médecins et paramédicaux, de ses plateaux hospitaliers et de son infrastructure touristique, la Tunisie saura-t-elle s’affirmer comme un « Pays Santé »? L’opportunité est grande : les services de santé constituent le premier secteur en termes de croissance économique avec un taux annuel de 20% de par le monde. L’année 2007 a enregistré 101 000 étrangers admis en soins et 150 000 non-résidents reçus dans les centres de thalassothérapie, générant un volume global d’exportations de 320 MD pour le secteur de la santé. C’est dire le potentiel ouvert aux investisseurs avertis.

La carte sanitaire de la Tunisie aligne actuellement 11 hôpitaux généraux, 19 instituts et centres spécialisés, 142 hôpitaux régionaux et locaux et 2.076 centres de soins de base. Quant au secteur privé, il compte (2006), 99 cliniques, 1702 officines 4.875 cabinets  de libre pratique et 1.404 cabinets dentaires.
 
Aussi, nombre de méga-projets immobiliers, conscient de l’avancée médicale tunisienne, ont intégré des composantes Santé dans leurs programmes immobiliers, allant jusqu’à inscrire l’édification de toute une cité médicale, comme se propose de la réaliser la compagnie Al Maabar, dans Bled El Ward, pas loin de Raoued.
 
Examinant l’ensemble du dossier avec ses différentes dimensions santé et bien -être, le Chef de l’Etat a ordonné l’élaboration d’une stratégie intégrée d’exportation de services de santé à l’horizon 2016. Les propositions soumises par le Ministre de la Santé, ont été  examinées, le 5 septembre 2008, en CMR, qui a pris les mesures essentielles pour créer les structures opérationnelles, octroyer les incitations nécessaires, et aménager les cadres règlementaires appropriés.
 
 
En éclairage à cette orientation porteuse, l’étude élaborée en 2005 par l’Agence Française de Développement sur « Les Exportations de services de santé des pays en développement : le Cas de la Tunisie » (http://www.afd-chine.org/jahia/webdav/site/myjahiasite/users/administrateur/public/publications/notesetdocuments/ND-25.pdf) permet de mieux comprendre les enjeux et dessiner les perspectives.
 
 En introduction, Marc Lautier qui mené de multiples recherches en Tunisie, mais aussi dans d’autres pays arabes similaires notamment la Jordanie, rappelle que « les exportations de services de santé ont traditionnellement été dirigées du Nord vers le Sud, les patients voyageant dans le sens inverse. Mais les facteurs qui assuraient l’attractivité des systèmes de santé au Nord se sont progressivement banalisés et diffusés, avec l’accroissement et l’amélioration des compétences médicales dans de nombreux pays en développement (PED). Dans ce contexte d’augmentation des qualifications au Sud et d’internationalisation croissante des activités de services, cette étude examine si le secteur de la santé offre des opportunités d’exportations nouvelles pour certains PED et évalue les conséquences de ces exportations en termes d’activité, d’emploi et de recettes en devises.
 
Le thème du commerce international des services de santé a suscité nombre d’interventions et de communications ; pourtant ce phénomène n’en est qu’à ses débuts et ses contours réels sont flous. Pour en apprécier l’ampleur et l’impact réels, l’étude s’appuie d’abord sur l’examen du cas de la Tunisie – où une enquête de terrain a permis d’estimer les flux d’exportation – comparé au cas de la Jordanie. Le volume global du commerce international de santé est ensuite évalué, ainsi que la tendance et la structure de ces échanges. On observe que les exportations de services de santé représentent le quart de l’activité du secteur privé en Tunisie et, avec les services d’hébergement induits, elles contribuent à près de 4 % des exportations de services du pays. Au niveau mondial, ce commerce connaît une expansion plus rapide que la moyenne des échanges, surtout depuis 2000, et sa part dans le commerce de services est estimée à 0,75 %. Les études de cas et l’analyse globale convergent pour souligner la dimension régionale de la demande extérieure de services de santé. La prédominance des échanges Sud-Sud s’explique d’abord par l’existence de puissantes barrières aux importations dans les pays riches, qui trouvent leur origine dans la nature particulière du commerce des services de santé. »
 
Conclusion
 
Dans un domaine où l’évocation est plus fréquente que l’estimation, cette recherche exploratoire aboutit à des résultats originaux sur trois plans, qui offrent un premier éclairage sur la nature et l’envergure des exportations de services de santé :
 
- la valeur du commerce mondial de services de santé (« mode 2 » de l’AGCS) est estimée à 12 milliards USD en 2003, ce qui représente environ 0,75 % du commerce mondial de services. Ce commerce connaît une expansion plus rapide que la moyenne des échanges mondiaux et qui semble s’accélérer, avec une croissance de 23 % par an depuis 2000. Les pays du Sud contribuent pour un tiers à ces exportations ;
 
- dans le cas de la Tunisie, l’ensemble des recettes en devises engendrées par le traitement de patients étrangers représente 107 millions USD en 2003, dont 55 millions USD d’exportation de services médicaux. Les exportations de services de santé et induits représentent 3,7 % des exportations totales de services.
 
Hors tourisme, il s’agit de la quatrième branche de services la plus exportatrice.
 
L’emploi concerné est estimé à près de 10 500 personnes, dont 5 000 personnels médicaux et paramédicaux. En Jordanie, les données disponibles indiquent que les exportations du secteur de la santé au sens strict représentent 8,1 % des exportations de services. Les exportations de services de santé apportent donc une contribution significative au commerce extérieur et au chiffre d’affaires du secteur hospitalier privé des deux pays. Cependant, le poids de cette activité dans la production nationale demeure modeste ;
 
- la demande extérieure de services de santé est de nature régionale. Alors que la complémentarité entre la demande du Nord (l’Europe ici) et l’offre du Sud est forte, le commerce international de services de santé demeure orienté dans le sens Sud-Sud. La part des pays proches dans le total des patients étrangers représente 84 % en Tunisie et 87 % en Jordanie. La géographie des échanges des autres PED exportateurs semble obéir au même principe de voisinage. Des enquêtes additionnelles seront néanmoins nécessaires pour délimiter plus précisément les contours de ce marché.
 
Si l’avantage de coût considérable dont dispose un pays comme la Tunisie vis-à-vis de la France et de l’Europe ne se traduit pas par le développement d’un commerce international entre ces deux zones, c’est qu’il existe des barrières puissantes à ces échanges. Dans la plupart des pays riches, le niveau élevé de prise en charge collective des traitements médicaux et l’absence de portabilité de l’assurance maladie érigent une barrière majeure aux importations de services de santé. Les perspectives d’échanges internationaux sont moins marginales pour les soins et traitements qui échappent à ce filet d’assurance maladie ; mais cette gamme de services est étroite. L’importance de la confiance et de la réputation, ainsi que le niveau très élevé des coûts de transaction, constituent également des freins aux échanges dans le secteur de la santé.
 
Des gains importants peuvent être attendus d’une réduction de ces barrières aux échanges Nord-Sud de services de santé. Au Nord, ces importations peuvent notamment contribuer à ralentir la croissance des dépenses de santé. Au Sud, au-delà des recettes directes, l’un des principaux enjeux du développement d’une activité d’exportation est sa contribution à l’accumulation de capital humain par le renforcement de l’attractivité du système de santé local et la réduction du risque de brain drain médical, due à l’augmentation du coût d’opportunité du départ.
 
Enfin, la compétitivité du secteur santé ouvre un potentiel de diversification de l’offre touristique vers les prestations de bien-être, qui attirent une part croissante de la demande européenne. Cette relation s’appuie sur une double complémentarité entre le tourisme et la santé : d’une part, la réputation du système de santé crédibilise une offre touristique axée sur le « tourisme de bien-être » et, d’autre part, l’attraction d’étrangers exercée par l’offre touristique génère mécaniquement des flux de vacanciers vers les cliniques locales qui, de retour en Europe, constituent de précieux vecteurs d’image. La Tunisie s’est en partie engagée dans cette direction. Une stratégie de différenciation plus déterminée, articulée à une gamme intégrée de services, peut contribuer à la montée en gamme de la destination Tunisie sur le marché du tourisme euro-méditerranéen. Cependant, un avantage dans le secteur de la santé permet de pérenniser, et probablement de renforcer, un avantage touristique traditionnel, mais ne s’y substitue pas.
 
Deux directions de recherche apparaissent dans le prolongement de cette étude :
  •   au niveau pratique, il est urgent de réorienter les travaux en cours sur le commerce des services de santé vers des enquêtes de terrain. En effet, l’écrasante majorité des recherches actuelles, souvent à l’initiative de l’OMS, se concentre sur les risques et les conséquences de ces échanges pour la qualité, l’accès et l’équité des systèmes de santé des pays exportateurs. Mais l’ampleur réelle du phénomène demeure très mal connue ; la plupart des chiffres diffusés tiennent plus de la rumeur ou de l’auto-promotion que de l’estimation sérieuse. Dans ce contexte, il apparaît donc indispensable de mettre en oeuvre une stratégie de construction de l’information et de mesure des échanges de services de santé. Il s’agit d’un préalable incontournable à l’analyse des effets de ce commerce sur les systèmes de santé nationaux. En l’absence de statistiques suffisantes et étant donné les délais nécessaires pour harmoniser le contenu des déclarations des pays au FMI, une méthode rapide et relativement peu coûteuse pour évaluer ce commerce consisterait à réaliser un ensemble d’études de terrain sur une douzaine de pays exportateurs. La constitution de cette première base de données permettrait de re-calibrer les statistiques collectées par les organismes internationaux et de construire des séries plus complètes. Une attention particulière aux pays de l’UE serait justifiée en raison des possibilités particulières de portabilité à l’intérieur de cette région ;  
  • à un niveau plus théorique, des données complémentaires, et fiables, permettraient de vérifier l’existence du principe de voisinage et la nature régionale de l’avantage comparatif, qui orientent la géographie des échanges internationaux de services de santé.
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