Blogs - 16.11.2008

Casting

« Tiens, je vais faire une fleur à la Tunisie : trouvez-moi un bon correspondant à Tunis et un bon présentateur pour le journal TV au siège », demande le patron d’une grande chaine TV panarabe à Maher Abderrahmane, qui dirige une société de production audiovisuelle leader en Tunisie. Face à son regret porteur d’une réponse négative, le patron de la chaine TV panarabe laisse tomber, amèrement déçu : « vous aussi ! »

La scène est éloquente. Maher Abderrahmane a été journaliste vedette pur jus de Radio Sfax, puis de la Télévision tunisienne avant de rafler la Une de MBC à partir de Londres, de nombreuses années durant. De retour à Tunis, il crée sa société de production qui prête prestations Tv àdifférentes chaines arabes, en news, documentaires, interviews et reportages. Pour mieux définir son entreprise, je dirais que c’est une académie de journalisme audiovisuel. Pas moins d’une dizaine de ses anciens collaborateurs ont été «débauchés » pour partir reluire des écrans arabes. Loin d’en êtreéprouvé, Maher se félicite pour leur avenir et continue a chercher et former de nouveaux talents. « Canal7 et Tunis21 aussi, nous confie un officiel de l’audiovisuel. Le casting est ouvert, toute l’année.»
 
Les leçonsà tirer de tout cela, c’est le manque flagrant de bonnes tètes pour ressourcer les chaines TV tunisiennes, arabes , et internationales en langue arabe. Désespérément, elles sont toutes à la recherche de bons journalistes qui, cependant, jouissent  nécessairement d’un bon look. Et c’est l à question : la primauté du casting.
 
Il ne suffit plus d’aligner diplômes, compétences et expériences, il faudrait désormais avoir « la tête de l’emploi.» La chirurgie esthétique ayant fait ses ravages et les canons de la beauté ayant imposé leurs hauts standards, les exigences deviennent difficiles à satisfaire. Et pas uniquement pour les animateurs, présentateurs et autres journalistes TV. Tout est casting, dans le secteur public comme dans le secteur privé.
 
L’empire du look
 
Songez aux dépositaires de l’autorité de l’Etat : le look compte énormément. Pensez aux ambassadeurs, « plénipotentiaires » comme le mentionnent leurs lettres de créances, ils doivent incarner la plus esthètereprésentation de leur pays. Sans oublier évidemment, les commerciaux et les chefs d’entreprise livrant d’âpres opérations de charme pour remporter les négociations. D’accord, mais comment s’y prendre ? Certains commencent la présélection dès le lycée, pour repérer les « bonnes tètes », les orienter vers les formations spécialisées, en les préparant à leur futur métier, puis affiner la sélection jusqu'à la sortie et le début de la carrière. Ainsi procèdent nombre d’institutions publiques dans certains pays, et même nombre d’entreprises privées et de chaines TV.
 
Mais attention, les codes changent et les mœurs évoluent. Nous l’avons vu en Europe du Nord et, tout près, en France au nom de la « diversité » et de la « représentation sociale » : couleur, piercing et allures décontractées sont acceptés, sinon recherchés. L’essentiel est d’être dans les nouveaux codes et de séduire. Bref, c’est la force de persuasion qui compte. L’empire de la séduction impose ses règles. Casting, casting.