Depuis l’indépendance, de gros efforts ont été déployés par les municipalités pour honorer les hommes et les femmes qui ont marqué l’histoire de notre pays et de l’humanité en donnant leur nom à des artères de leurs villes respectives.
Cette action qui participe du travail de mémoire engagé par notre pays depuis l’indépendance , pour louable qu’elle soit, laisse un goût d’inachevé. C’est que de nombreuses artères ont gardé leur nom initial hérité du protectorat dont les critères de choix ne sont pas forcément les nôtres. Par exemple, j’ai beau cherché dans les manuels d’histoire, je n’y ai trouvé nulle trace de l’apport quelconque d’un Jean Jaurès ou d’une Lucie Faure à notre pays. Le premier, était l’un des fondateurs du mouvement ouvrier français et a payé de sa vie son hostilité à l’entrée en guerre de la France dans le premier conflit mondial .Quant à Lucie Faure, il semble que son seul mérite est d’avoir été l’épouse de Président du Conseil
français, Edgar Faure.
Que nos rues continuent à porter les noms de grands savants ou de grands hommes d’Etat étrangers qui, par leur savoir ou la pertinence de leurs vues ont bien mérité de l’Humanité ou des personnalités étrangères qui ont rendu service à notre pays, encore que cet hommage doit être proportionnel aux services rendus, cela se conçoit .Mais que l’on garde des noms de départements étrangers ou de personnages obscurs alors que des compatriotes illustres comme Hannibal, Amilcar, Hannon,Térence ou Apulée restent confinés dans des ruelles , quand ils ne sont pas tout simplement ignorés, est aberrant . Que je sache, l’entrée de la Tunisie dans l’Histoire remonte à la fondation de Carthage, il y a 3000 ans. Une histoire dont nous n’avons pas à rougir, que nous assumons entièrement avec ses heurs et ses malheurs, ses périodes sombres et ses moments d’éclat. Avec ses hommes illustres aussi. Si ces sentiments sont partagés par toute la Communauté nationale, ce dont je ne doute pas un seul instant, il nous faut traduire cette belle unanimité dans les faits et notamment dans les dénominations de nos rues qui constituent, s’agissant surtout d’une capitale, un raccourci de l’Histoire d’un pays.
Rien qu’en traversant une ville comme Paris, on peut avoir une idée de l’Histoire de France. C’est pourquoi, les artères de notre capitale doivent être représentatives de notre Histoire.
Trois remarques pour conclure : on se perd en conjectures sur l’absence de réactivité de nos édiles à l’actualité : la Yougoslavie n’existe plus depuis une dizaine d’années alors qu’une importante artère de Tunis porte encore son nom, d’autre part, pourquoi s’évertuer à garder le nom de Lénine alors que toutes les villes et les rues de Russie (sa patrie !) qui portaient son nom ont été débaptisées depuis la chute de l’Union soviétique
Enfin, une remarque à l’attention des édiles de l’Ariana : la plupart des rues d’Ennasr2 portent des noms puisés dans l’Histoire arabe ancienne qui, pour la plupart, n’évoquent rien pour le Tunisien moyen alors qu’il existe des centaines de savants et de jurisconsultes tunisiens méconnus qui mériteraient d’être honorés. Il ne faut pas aller très loin pour les trouver. Il suffit de consulter le livre du grand historien tunisien, H.H. Abdelwahab, « KITAB EL OMR ».Il contient une liste impressionnante de savants tunisiens qui ont droit à la reconnaissance de leur patrie et dont les noms ne dépareraient pas nos rues.