Blogs - 15.12.2008
Mieux comprendre notre Histoire
Pendant longtemps, des pans entiers de notre histoire ont été occultés. C’est le cas notamment de certaines péripéties de l’histoire du mouvement national tunisien qui s’étend de la signature du traité du Bardo le 12 mai 1881 à l’évacuation des terres agricoles le 12 mai 1964.
Beaucoup d’historiens ont traité de cette période. Certains d’entre eux se sont contentés de broder autour de la version officielle quitte à prendre certaines libertés avec les faits, d’autres ont dû jeter l’éponge découragés par les pressions de toutes sortes.
Il a fallu attendre la création, à la fin des années quatre-vingts, de deux institutions, la première, publique : l’Institut Supérieur de l’Histoire du Mouvement National (ISHMN), la seconde, privée : La Fondation Témimi pour qu’un véritable travail de mémoire soit engagé. Parallèlement, les langues ont commencé à se délier ; d’anciens compagnons de lutte, des militants inconnus du grand public sortaient de la réserve qu’ils s’étaient imposé durant des années : leurs témoignages corroboraient ou contredisaient la version officielle mais, dans leur diversité, elles éclairaient d’un jour nouveau l’histoire du mouvement national : des faits, hier avérés, étaient relativisés. D’autres, ignorés ou minorés prenaient une autre dimension. C’est l’Histoire revisitée par ses principaux acteurs.
Evidemment, ces écrits obéissent à la loi du genre. Ce sont des plaidoyers pro domo où les auteurs ne sont pas tant soucieux de respecter la vérité historique que de justifier les prises de position qu’ils avaient prises à un moment donné ou de se donner le beau rôle dans telle ou telle action.
L’objectivité absolue n’existe pas. Même les historiens qui s’y efforcent n’y parviennent jamais. « L’objectivité, disait un philosophe français, ne peut être au mieux mais doit rester au pis de la subjectivité désintéressée ». Un historien ne peut pas interpréter les faits historiques indépendamment de son époque, de l’environnement dans lequel il vit ni de ses a priori. L’important est de ne pas chercher à travestir sciemment les faits ni à chercher à manipuler les lecteurs. On cite souvent l’exemple du grand historien français, Michelet qui, voulant rédiger une Histoire de France irréprochable, s’était isolé dans sa maison pendant plusieurs années, voulant être à l’abri des influences extérieures. Le résultat, c’est qu’on a eu droit à une œuvre monumentale mais qui nous renseigne beaucoup plus sur la personnalité de Michelet que sur l’Histoire de France.
Que dire alors d’un écrit dont l’auteur relate des faits souvent de mémoire sans disposer du background ni des outils d’analyse d’un historien de formation ?
C’est pourquoi, on a du mal à comprendre cette polémique qui enfle depuis quelque temps dans notre pays à propos du point de savoir s’il faut se fier aux mémoires ou aux témoignages oraux des acteurs de cette période ou de leurs proches.
On serait mieux inspiré de les prendre pour ce qu’ils sont : des contributions d’une qualité inégale, certes, mais utiles à l’intelligence d’une période cruciale de notre histoire, chacun y apportant sa part de vérité.
A nous de distinguer le bon grain de l’ivraie et d’en faire bon usage.
Hédi