Tunisiens, s'abstenir
Ayant exercé dans la presse pendant près de quarante ans, j’ai toujours été – et pas seulement pour des raisons professionnelles – un lecteur assidu des journaux, qu’ils soient tunisiens, arabes ou étrangers. Néanmoins, mon champ d’intérêt se limitait toujours aux informations politiques, économiques et générales, accessoirement au sport, et avec l’âge, à la rubrique nécrologique. Quant aux autres rubriques, je me contentais d’y jeter de temps en temps un coup d’œil jusqu’au jour où une petite annonce aiguisa ma curiosité. Elle était ainsi libellée : « Particulier loue à coopérant appartement… ».Suit une longue description du logement en question qui donne à penser qu’il s’agit d’un appartement haut standing.
Cette annonce a éveillé chez l’étudiant en journalisme à Paris dans les années soixante que j’étais, de mauvais souvenirs: l’interminable tournée (j’allais dire parcours du combattant) des agences immobilières pour trouver un logement, en l’occurrence, une chambre de bonne – compte-tenu des loyers prohibitifs pratiqués- et la réponse invariablement négative à la vue de votre faciès ou à l’énoncé de votre nom ou de votre nationalité. Je me rappellerai toujours la réponse d’un agent immobilier : « Vous m’auriez demandé la lune c’aurait été plus facile de vous l’offrir ».
Cette attitude appelle le parallèle avec ce genre de publicité avec comme circonstance aggravante le fait que, dans le cas d’espèce, les propriétaires sont des Tunisiens qui osent discriminer leurs compatriotes et faire leurs, même si c’est d’une manière inconsciente, des arguments que n’aurait pas désavoué un partisan de Le Pen et ce en toute impunité et sans que personne n’y trouve à redire. J’imagine le tollé et les procès intentés par les associations des Droits de l’Homme, de défense des consommateurs, des droits civiques, de protection des locataires et que sais-je encore qu’aurait provoqué une annonce, en France, commençant ainsi : «particulier louerait à étranger… »
Dés lors, on serait malvenu de s’indigner d’un acte de racisme qui surviendrait outre- méditerranée alors que chez nous des gens se rendent responsables des mêmes actes sans s’en rendre compte. C’est un peu l’histoire de la poutre et de la paille. Car enfin, disqualifier d’emblée des Tunisiens même a contrario, c’est jeter l’anathème sur une catégorie de la population jugée peu digne d’occuper un logement de haut standing.
Certes cela n’est pas mentionné explicitement, mais inscrit en filigrane dans ces annonces. Cela fait partie des non-dits .Un demi siècle après le départ de l’ancienne « puissance protectrice », nombre d’entre nous doit procéder à un travail d’introspection qui ne pourra être que salutaire pour eux et pour la Communauté nationale, car ils couvent encore des résidus de ce que le sociologue appelle : « le complexe de l’ancien colonisé ». Cela transparait dans leurs discussions, leur façon de s’habiller et d’écrire.
Comme par exemple, le fait pour un commerçant d’utiliser tout ce qui est importé comme argument de vente, de parler « de l’année 2008 de notre ère » alors qu’il s’agit de l’ère chrétienne ; d’employer le terme « Mahomet » pour désigner le prophète alors qu’il est une déformation de Mohammed ; d’utiliser le terme « Métropole » pour désigner la France omettant que sa signification première est mère-patrie .
Ces exemples sont donnés à titre indicatif et non exhaustif et on pourrait les multiplier à l’infini. Néanmoins ils donnent la pleine mesure de l’action qui doit être menée pour mettre terme à une situation qui frise parfois la schizophrénie et qui, en tout cas n’a plus lieu d’être en s’attachant un peu plus à nos valeurs car l’ouverture n’a jamais été synonyme de déculturation ni de mimétisme aveugle au risque de perdre son identité.
Hèdi