Questions à ... - 05.01.2009

Youssef Kortobi

En sa double qualité de PDG d’AFC, Intermédiaire en Bourse et de Président de la Bourse de Tunis, M. Youssef Kortobi est bien placé pour nous éclairer sur les perspectives boursières en 2009. Unique bourse arabe et troisième au monde à avoir terminé l’année excédentaire (www.leaders.com.tn/article.php?aid=331) la Bourse de Tunis s’apprête à accueillir à la cote au cours de cette année de nouvelles societés: deux cimenteries, notamment celle de Bizerte déjà bien avancée, et un premier bouquet d’entreprises publiques. Quant au marché alternatif, lui aussi devra connaître de nouvelles admissions. M. Youssef Kotobi rappelle la conjoncture 2008, dessine les nouvelles perspectives et énonce des recommandations utiles. Interview.

La  bourse de Tunis a résisté en 2008. Pourquoi d’après vous?
Un constat objectif révèle que, déjà, parce que l’on se situe dans le cadre d’une économie à croissance soutenue,  avec des  équilibres fondamentaux  et une large diversification sectorielle.
                                       
Aussi, parce que le marché financier tunisien est réglementé, organisé, sécurisé et doté d’une infrastructure technique du meilleur niveau, moderne et fiable.

C’est un marché au comptant où les montages risqués sont exclus. La titrisation est autorisée et encadrée. Les deux seules opérations qui  y ont été réalisées, l’ont été conformément aux normes les plus orthodoxes, financièrement parlant.

La réglementation tunisienne des changes permet de couvrir tous les besoins courants de l’entreprise  mais encadre strictement la gestion des devises.

La participation étrangère dans la capitalisation boursière, s’élève à 25%, dont 22% de participations stratégiques. Les fluctuations sont donc limitées.

Le marché financier Tunisien est donc un marché aux risques maîtrisés. 

C’est un marché essentiellement composé de sociétés solides avec de bons fondamentaux, des sociétés qui présentent une rentabilité satisfaisante et une bonne visibilité.

Il dispose aujourd’hui d’analystes financiers de qualité, de plus en plus nombreux, ils sont  à même d’éclairer les investisseurs et leur permettre de comparer différentes opinions pour une prise de décision plus éclairée.

Enfin parce que nous avons  réagi à temps à la crise, pour l’analyser, prendre des décisions et communiquer.

Par conséquent, compte tenu de cet ensemble de composantes, et nonobstant une taille encore modeste par rapport à ses  potentialités, notre marché démontre qu’il a atteint un niveau  de maturité certain et qu’il est attractif.

Un  Tunindex  à 3400 points, début septembre 2008,  soit +30%  par rapport au début de l’année, assorti a un PER de 15 fois ne me choquait pas et ne faisait pas de Tunis une place chère.  À moins de 3000 points et un PER de l’ordre de 11,  notre bourse est encore plus compétitive.

2008 aura été finalement une bonne année avec l’introduction de  deux grosses « cylindrées » à la bourse, l’étalement des plages horaires, le lancement de deux fonds institutionnels, l’accroissement de la capitalisation boursière et du volume des échanges, un Tunindex avec une évolution à 2 chiffres et  l’affirmation d’une liquidité qu’on ne connaissait pas.

Quelles prévisions pour 2009 ?
L’œuvre de communication, de sensibilisation et les mesures prises par le Chef de l’Etat depuis octobre 2008 sont opportunes et pertinentes.  La structure de  notre économie et sa diversité favorise son adaptabilité aux situations difficiles. Elle a su le démontrer dans le passé. Elle devra encore plus le prouver car cette crise est plus étendue que celles qui l’ont  précédé.

Notre action devra s’inscrire dans une logique de conquête et non de soumission. Le monde ne s’arrêtera pas de consommer. Sans nous, la terre continuera de tourner. A nous de savoir être compétitifs et demeurer  présents.

Notre stabilité, notre taille, la qualité de nos infrastructures et celle de nos hommes et femmes, notre position géographique constituent certains de nos meilleurs atouts. Ils demeureront néanmoins  inutiles si nous  ne préparons pas psychologiquement à affronter la crise, si nous  ne nous inscrivons pas dans une logique de long terme et si nous ne nous interrogeons pas sans complaisance, en mettant aussi à  contribution les praticiens, sur ce qu’il y a lieu de faire pour d’une part: colmater nos points faibles et d’autre part optimiser ce que sont aujourd’hui nos points forts. 

Il nous faudra accepter de prendre des risques et oser. Bien sur en continuant à être  prudents et sans nous précipiter. Il nous faudra être encore plus solidaires, confiants en nos capacités, créatifs et toujours raisonnablement optimistes,

Ces principes sont valables pour développer notre place  et lui faire atteindre les objectifs fixés. Nous aurons à poursuivre la réflexion sur certaines questions dont celles, du  rôle des banques en tant qu’acteur majeur  dans le développement du marché financier, le marché  obligataire, les investissements étrangers en portefeuille, l’acceptation de techniques financières  plus élaborées,  la création d’autres fonds institutionnels, et celles de fonds souverains tunisiens. Il y a lieu  aussi de prioriser  toute réflexion et décision  de nature à optimiser encore plus  le climat des  affaires et à  mobiliser davantage de ressources nationales. Citons parmi les thèmes à étudier ceux relatifs au formalisme administratif, à la concurrence déloyale, à la fiscalité, au régime de changes, à la propriété des étrangers.   
     
Pour leur part, les investisseurs  tunisiens en bourse  bénéficient en ce début 2009  de cours  très attractifs. Ils annihileront le risque à son maximum en optant pour les valeurs qui ont les meilleurs fondamentaux, une stratégie claire et des prévisions réalistes et devront préférer parmi celles ci, celles  qui se distinguent   par une  bonne gouvernance avec  une  information  crédible, régulière,  spontanée chaque fois que ne nécessaire.

Pensez vous que  2009 soit propice pour  de nouvelles sociétés en bourse ?

Oui.  Car  d’une part, il  ne faut  surtout pas casser la dynamique connue en 2008 et  que, d’autre part, il nous faut absolument  développer la profondeur du marché. Les bonnes valeurs, surtout celles de croissance, sont toujours prisées indépendamment des conjonctures boursières. Plus le prix de ces valeurs est attractif, meilleur sera leur  parcours boursier. Sur le  long terme autant les émetteurs que les investisseurs y gagnent.

C’est pourquoi, je suis heureux que l’on prévoit des introductions en bourse pour 2009 avec une bonne part de privatisations, conformément aux décisions prises au cours du dernier conseil des ministres.

Avec un timing  bien étudié  et une communication adéquate, la réussite est acquise.