Mehdi El Gaied: le Président des Paysagistes Québécois
Y avait-il songé un jour, durant sa prime jeunesse? Remporter les voix de 250 entreprises québécoises professionnelles spécialisées en aménagement paysager, très exigeantes en respect des normes environnementales, légales et éthiques? Pour Mehdi El Gaied, 38 ans, champion du positivisme et adepte de la fusion naturelle et du métissage culturel, tout est venu le plus simplement du monde, coulant de source. Depuis son valeureux Lycée Sadiki, jusqu'à la direction de son entreprise Teronet et la présidence de l’Association des Paysagistes Professionnels du Québec, son parcours de vrai leader a été jalonné, hamdoullah, de feux verts successifs, à la sueur du front et de la matière grise, et sans lui faire tourner la tête.
«Je dois tout à mes parents, confie-t-il et à l’éducation qu’ils m’ont donnée » Son père, Am Saïd est originaire de Hergla, ce merveilleux pays du Sahel en bord de mer, avec ses potagers célèbres pour leurs savoureux fruits et légumes, son école d’horticulture de Chott Mariem et cette nature luxuriant. Ingénieur électricien formé en France, il a fait une brillante carrière au sein de la STEG qui l’a dépêché en mission de coopération technique en Arabie Saoudite. Cette expérience internationale sera prolongée en faveur de la prestigieuse ABB, lors de son installation en Tunisie, mais aussi à travers de nombreuses missions à l’étranger. Am Saïd négociait contrats et marches, préparait dossiers et projets. Mehdi était alors né dans un milieu d’ingénierie et d’affaires. « C’est de là que j’ai puisé mon côté entrepreneur, en m’inspirant de l’esprit d’initiative de mon père, de son ardeur au travail et de sa droiture.»
Sa maman aussi compte dans sa vie. Mme Naima Cherif, tunisoise, Chef de Service à la Stumetal, alors porte-flambeau des emballages métalliques dans le monde arabe, lui transmet, en plus de son affection et des bonnes manières d’un garçon bien élevé, les valeurs de la famille, de la patrie et de l’accomplissement au travail comme en faveur des siens. Le premier métissage Sahélien/Tunisois plante ses gènes.
Inscrit au Lycée Sadiki, Mehdi découvre un deuxième moule, fort enrichissant. «De vrais professeurs, de grande réputation et érudition. Très respectés. Ils m’ont ancre dans ma langue, ma culture, et éveille mes sens pour d’autres langues et cultures, en suscitant en moi l’envie de découvrir et de réussir. Ma deuxième source d’enrichissement dans cette formidable institution, c’est mes camarades de classe. Tous fantastiques, tous exceptionnels. Sadiki a été précieux, et je ne les remercierai jamais assez mes parents de m’y avoir inscrit. »
Esperantiste, dans l’âme
Doué pour le sport, Mehdi est « orienté» vers le handball. Son penchant naturel va pour l’Espérance. C’est la qu’il devait cultiver ses talents. Mais certains amis de la famille, conseillèrent à ses parents de l’amener au Club Africain. Faisant contre bon gré fortune, il optera pour le Rouge et Blanc, sans pour autant renoncer a son premier amour Sang et Or. Ses dons se révèlent percutants, et le voila sélectionné en équipe nationale junior de hand ball, heureux d’évoluer dans le club de Yagouta et autres stars. Deuxième métissage, Club Africain/Esperance Sportive de Tunis. Il s’en enrichit.
L’heure du bac arrive et des études supérieures à l’étranger aussi. Son père, AM Saïd, voit loin. L’avenir est aux études d’ingénierie, en anglais et dans des pays porteurs ailleurs qu’en Europe. Quitte à aller en Australie.
Quand on a été base en Arabie Saoudite et travaille pour ABB, Sydney n’est pas très loin. Mehdi respecte son père, apprécie la sagesse de ses conseils, mais souhaite raccourcir les distances, tout en respectant le cahier des charges. Cap alors sur le Canada, le Québec, plus précisément et sa prestigieuse université Laval.
Quand il débarque en 1992 dans la Belle- Province, il n’y connaissait personne et ne devait compter que sur lui-même. A la conquête de ce nouveau monde, il n’avait, pour toute armure, que son éducation, ses valeurs, sa détermination. Il commence par un Diplôme d’Etudes Collégiales en Génie Civil à Laval. A l’époque, les Tunisiens n’étaient pas aussi nombreux qu’aujourd’hui : moins d’une dizaine en tout et pour tout, et autant d’Algériens et de Marocains. Aujourd’hui, ils sont des milliers.
L’ingéniorat garanti, il songe à travailler. Une fois de plus, la sagesse du père l'orientera: il faut aller encore plus loin dans tes études. Master en Environnement, cette fois-ci à l’Ecole Technologique Supérieure de Montréal, mais la base arrière demeure Québec. Pour son stage, il décroche, en 1996, un poste dans une compagnie d’aménagement paysager : Teronet. L’occasion de mettre en pratique sa double formation.
Une chance nommée Teronet
Dans ce genre d’entreprises, les projets partent des études et plans jusqu'à la réalisation finale de toutes composantes d’ouvrages et de décoration florale et ornementales, ainsi qu’aux équipements et éclairage. Du "clés-en-main". Son premier projet, fut une piste cyclable de 14 km. Il fallait tout faire, tout réussir. Sous la conduite du Président de Teronet, Daniel Gilbert, et son frère, Mario, il s’y adonne à fond. Sans relâche, gagnant la confiance et le respect. Le stage est probant, Mehdi est confirmé, et monte rapidement en grade. Et c’est à lui que le Président Gilbert pense, lorsqu’il décide en 1998, de passer la main pour jouir de sa retraite. Voudrait-il reprendre avec Mario la compagnie, partager son capital et coprésider à ses destinées? Quel beau rêve !
Mais, la réalité est cependant plus exigeante : ce sont les fonds qui manquent les plus. Où trouver l’argent pour se payer une compagnie aux riches actifs avec des engins coûteux, une bonne rentabilité et de sérieuses références ? Qu’à cela ne tienne. Le Président Gilbert est gentleman. «Un grand Monsieur, à qui je dois beaucoup, beaucoup, dit Mehdi». Edifié sur leur ardeur au travail et leur capacité de développement, il leur propose de prendre les rênes et de le rembourser sur plusieurs annuités, à partir des bénéfices générés.
Du jamais-vu dans la transmission des entreprises, mais cela s’avérera payant. Les deux M, Mario & Mehdi, mettent le turbo. Bravant le froid légendaire du Canada, les intempéries redoutables, recrus de fatigue, ils font une fixation sur le développement, la conquête de nouveaux marchés, le travail bien fait, la satisfaction du client, bref, la création de la valeur, la croissance pérenne. En quelques années seulement, ils s’acquittent de leurs dettes et deviennent propriétaires de leur entreprise. En 8 ans, Mehdi n’était rentré en Tunisie que deux fois. Cela suffit à dire l’ampleur des sacrifices.
Lilia en joyau de la couronne
La réussite appelle d’autres accomplissements. En 2002, Mehdi fait une heureuse rencontre. Une jeune compatriote, Emna Chaabouni a peine débarquée à l’Université de Laval. Tout va vite. Coup de foudre, moulinette de la raison, visas parentaux reçus, par les deux tourtereaux qui convoleront l’été même en justes noces, parmi les leurs, avec un merveilleux voyage de noces a Hammamet. Une nouvelle famille tunisienne enrichit notre communauté au Canada. Emna poursuivra ses études en double filière; la décoration intérieure et la kinésithérapie. Elle exerce son art Kiné dans un grand centre en pleine campagne naturelle toute proche de Québec, un endroit de rêve. A ce bonheur, vient s’ajouter tout récemment la naissance de leur mignonne fillette, Lilia. Le joyau de la couronne.
Les rangs se renforcent. Emna compte un frère Taha, financier et informaticien. Nous en reparlerons. Mehdi reçoit son frère Moez qui, au bout d’un an, décrochera un poste de direction au siège de la Chaine Accor à Paris. Puis sa sœur, Mouna, aujourd’hui diététicienne très appréciée officiant dans un centre spécialise a Québec. Le cercle s’élargit, amis, Tunisiens, Québécois, et de différentes nationalités, sorties et soirées au coin du feu, dans cette maison soigneusement décorée par Emna qui y a même prévu un espace tunisien très Sidi Bou Saïd. Mehdi adore la bonne chère, la bonne humeur, l’amitié, la convivialité et pratique nombre de hobbies dont notamment la chasse à laquelle il s’adonne avec plaisir. Heureux en famille, bien dans sa peau, il se réalise au travail et les affaires prospèrent.
L’esprit d’équipe dans l’associatif
Des 2002, les années de galère au rétroviseur, il s’engage dans le mouvement associatif et professionnel. C’est ainsi qu’il adhère a l’APPQ. Il participe aux réunions, s’investit dans les activités, avance des propositions, bouillonne d’idées et de projets. Appréciant son énergie et ses idées, ses paires l’invitent, en 2004, à constituer son équipe et briguer la présidence de l’association. Peine ardue, lorsqu’il s’agit d’un électorat fort de 250 chefs d’entreprises, tous confrères, tous concurrents, très à cheval sur les principes. Une fois de plus, Mehdi voit que son sérieux et payant et que la chance lui sourit et que le travail en équipe est fondamental: il est élu président. «Je ne crois pas au one man show, dit-il. Même sur scène, comme cette adorable Mme Kenza de Moncef Dhouib, dont j’ai pu me régaler récemment à Tunis, s’appuyer en fait sur tout une équipe. Wajiha Jendoubi y a mis beaucoup du sien. Mais, son succès, elle le doit à l’auteur-réalisateur, aux éclairagistes, ingénieurs de son, maquilleuses, habilleuses, toute l’équipe.»
Le premier mandat est tellement bien réussi, que Mehdi est sollicité, en 2006, pour rempiler pour un deuxième mandat, le maximum auquel il puisse postuler. Mais ce n’est pas tout, entretemps, son aire s’élargit au-delà de la province québécoise, pour embrasser le niveau fédéral, couvrant l’ensemble du Canda. Mehdi siège en effet au sein la Fédération Interdisciplinaire de l’horticulture Ornementale du Canda (FIHORC, 12 500 entreprises) et en devient Vice-président. Encore un métissage réussi Québec /Canada.
«J’ai deux amours»
Ce qui a aidé le plus Mehdi à accomplir ce brillant parcours, c’est sa capacité d’adaptation et d’intégration. « On ne peut réussir lorsqu’on se donne l’impression de fuir son pays, souligne-t-il, mais aussi, lorsqu’on renie le pays d’accueil et n’épouse pas son style de vie. L’intégration est fondamentale, sans rupture avec le pays natal, sans renonciation à l’identité, et sans rejet de l’autre pour s’emmurer dans un ghetto. Dans ce nouveau village planétaire, chacun se forge ses ancrages, uniques et multiples, ouverts à tous, dans l’alchimie enrichissante des valeurs. »
Les quelques semaines de vacances passées récemment en Tunisie lui ont été d’un grand ressourcement. Escapades jusqu’aux portes du Désert avec son associé Mario, en famille, un beau spectacle, Mme Kenza, l’exhibition de l’Esperance devant le Stade Tunisien, dimanche à El Menzah, et beaucoup d’immersion familiale et de rencontres de haut niveau. L’audience avec le Ministre de l’Environnement et du Développement Durable, M. Nadhir Hamada, en fut sans doute, le point d’orgue. De retour à Québec, de nouveaux challenges personnels et professionnels attendent Mehdi. Développer son entreprise et faire prospérer sa petit famille, sans oublier des clins d’œil affectifs plus forts et plus fréquents aux siens en Tunisie, et dans la diaspora.
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