Pr Hédi Ben Maiz
« Pour réussir cette carrière, lui avait dit son mentor, le Pr Milliez, il y a trois voies, congénitale, génitale et celle du travail, et vous, vous n’avez que la 3ème: le travail.». «Fils d’ouvrier et (sa) femme n’est pas fille de notable » comme il lui plait de le rappeler, le Pr Hédi Ben Maiz, Agrégé en Néphrologie et Professeur Emérite de la faculté de Médecine de Tunis l’avait bien compris depuis sa prime enfance. De sa brillante carrière, il parle peu, préférant, précisément, se consacrer à son œuvre et s’accomplir dans le précepte coranique qui lui est cher : « «L’homme parfait est celui qui est le plus utile aux autres».
Rarement il évoque son père analphabète, ancien soldat à Verdun, au sein du légendaire 4ème RTT, son enfance à Djerba, l'homme qui lui a appris la langue française, ses années d’études au Lycée Khaznadar, à Tunis, puis à Paris. Mais, honoré par la Médaille Jean Hamburger, cette haute distinction que lui a décernée la Société Française de Néphrologie, en 2007, il se trouvait bien obligé de répondre par le traditionnel discours du récipiendaire. « Le moment est solennel ; l’expression est difficile » commença-t-il par dire, ce 12 décembre 2007, devant ses pairs réunis, avant de se livrer. Un texte exquis qui nous éclaire sur des aspects significatifs de son parcours.
« Je remercierai tout d’abord, les membres du CA de notre Société et en particulier son Président Michel Godin pour l’honneur qu’ils ont bien voulu me faire, en me remettant la médaille Jean Hamburger.
Je suis très touché par cette distinction qui à travers ma personne, englobe la néphrologie tunisienne, maghrébine et africaine francophone.
Cher Jean Paul, merci d’avoir bien voulu faire ma présentation pour la remise de cette médaille, tes éloges me vont droit au cœur.
Nos relations sont étroites, membre du jury du CES de Néphrologie en 1972 avec, comme Président le Pr Jean Hamburger, tu as été également membre de mon jury d’agrégation en néphrologie avec notre maître G. Richet en 1978 et avec comme président le Pr S. Zmerli.
Le jumelage des hôpitaux Charles Nicolle de Tunis et de Rouen a permis de consolider notre amitié.
Monsieur Jacobs, le hasard a voulu que nous soyons honorés, par notre société, le même jour.
Quel bonheur ! Je rappelle que nous avons organisé ensemble à Tunis en Octobre 1984, la rencontre franco- tunisienne de Néphrologie en tant que secrétaires généraux de nos sociétés respectives.
Chers Amis, rien ne me prédestinait à recevoir tant d’honneur. C’est le hasard et l’heureuse rencontre sur le chemin de ma vie, d’hommes et de femmes qui en ont voulu ainsi.
Mes parents, analphabètes, m’ont envoyé à l’école en 1947, pour apprendre à lire, à écrire et à compter et peut-être obtenir le certificat d’études primaires, chose importante, car il permettait à l’époque de na pas effectuer le service militaire ; mon père ayant été soldat à Verdun dans le 4ème régiment des tirailleurs tunisiens, voulait éviter à son dernier fils les affres d’une possibles guerre.
A l’école Franco- Arabe de Hara Sghira à Djerba, j’ai rencontré l’homme qui a été le point de départ de ma carrière. M. Jean Ollivier, Directeur de cette école, originaire de Brest, qui m’a encouragé à passer le concours d’entrée en 6ème. J’ai eu l’immense bonheur d’aller le revoir à Brest en juin 2006, 53 ans après mon succès à ce concours.
Mes études secondaires à Tunis, en tant qu’interne, n’auraient pas été possibles sans l’aide de mes frères. Mais leurs modestes moyens ne leur permettaient pas d’assumer mes études supérieures et c’est grâce à la politique de Bourguiba, dès l’indépendance en 1956, où le budget de l’éducation nationale occupait la première place du budget de l’Etat, qu’une bourse m’a été accordée afin de poursuivre mes études à Paris.
Chers Amis, je tiens à exprimer toute ma reconnaissance, à tous ceux qui ont jalonné ma carrière médicale et qui ont contribué à faire de moi ce que je suis devenu aujourd’hui.
Au cours de ma carrière parisienne, je citerai :
- Feu le Pr P. Miliez et son équipe et en particulier M. Safar, J. Bariety, J.M.Idatte, J. Bedrodssian de l’hôpital Broussais.
- De l’hôpital Necker Enfants malades, feu le Pr Pierre Royer et son équipe et tout particulièrement Mmes R. Habib et M.C Gubler, à qui je dois ma formation en pathologie rénale.
J’ai profité grandement des staffs du service du feu Pr. J. Hamburger avec la présence de son équipe en particulier G.P. Grunfeld à qui j’adresse mes vifs remerciements. Tous ceux qui m’ont enseigné la néphrologie.
Ma carrière tunisienne s’est déroulée dans le service de mon maître, le professeur H. Ben Ayed, à partir, d’Octobre 1974, Il m’a confié la responsabilité de créer le laboratoire de Pathologie Rénale.
Les relations étroites entre les professeurs G. Richet et H. Ben Ayed qui se sont connus dans le service du Pr Hamburger ont permis d’initier un programme de recherche sur les néphropathies glomérulaires en Tunisie, et ce dans le cadre de la coopération technique franco tunisienne. Les subventions accordées, m’ont permis, d’équiper le laboratoire et de former deux techniciennes dans le laboratoire de pathologie rénale de Tenon.
En Février 1975, première rencontre avec le Pr G. Richet pour finaliser le projet. Ce premier contact direct est resté gravé dans ma mémoire. L’entretien a débuté par des questions réponses : «Vous êtes de quelle région? de Djerba Monsieur, vous êtes marié ? Oui Monsieur. Votre femme est tunisienne ou française ? Française Monsieur. Ah ! Ah ! La voie de son Maître (pour bien comprendre l’anecdote il faut savoir que l’épouse du Pr Ben Ayed était elle aussi française). J’ai eu du mal à me retenir pour ne pas rire, car cela m’a rappelé la publicité «Pathé Marconi- La voix de son Maître»
Depuis lors, Monsieur Richet m’a accordé sa confiance et m’a toujours aidé. Je lui suis éternellement reconnaissant. Avec ce projet, j’ai eu l’immense bonheur de connaître et d’apprécier l’équipe de Tenon : Françoise Mignon, Daniel Sraer, Feu Lilane Morel Maroger, Pierre Verroust, Olivier kourilsky P. Ronco. Depuis, les relations entre nos deux équipes se sont consolidées avec échange d’internes. C’est ainsi que Mme F. Ben Moussa est venue à paris et qu’Eric Rondeau a débuté sa néphrologie à Tunis ; Tenon reçoit jusqu’à ce jour nos élèves.
Un petit clin d’œil à P. Ronco, pour le remercier de l’aide qu’il m’a apportée en m’ouvrant les portes de la société internationale de Néphrologie et pour son engagement pour le développement de la néphrologie Francophone.
Chers Amis, En Tunisie, j’ai œuvré pour le développement de la néphrologie dans le pays, par les soins, l’enseignement et la Recherche. Cela m’a été possible grâce à la confiance qui m’a été accordée par les différents Ministres de la santé et ceux de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et aux fonctions qu’ils m’ont confiées.
Ainsi, le registre national de l’IRC a été crée en 1989, un rapport chiffré sur l’intérêt médical et financier de la prévention des maladies rénales a été remis aux Autorités en 1990 et les bases de développement et de l’organisation de la recherche médicale ont été établies dés 1978.
Ce développement de la néphrologie en Tunisie a été rendu possible par un travail acharné et pas toujours dans des conditions faciles, de nos élèves jeunes et moins jeunes, à qui je dois rendre un vibrant hommage. Je citerai les aînés qui ont pris le flambeau :
Tunis :
- Pr A. Kheder- Hôpital Charles Nicolle
- Pr F. Ben Moussa- Hôpital La Rabta
- Pr T. Ben Abdallah- Président de la société Tunisienne de Néphrologie.
Sfax :
- Pr J. Hachicha
Monastir :
- Pr M .El May
Sousse :
- Pr L. Achour
Chers amis, j’ai toujours eu une vision maghrébine et africaine de la néphrologie et j’ai aidé selon mes moyens à son développement, si j’avais un message à transmettre aux néphrologues africains et en particulier dans leurs relations avec les autorités de tutelle, je leur dirais : «Travaillez, demandez des moyens de travail, acceptez ce qu’on vous offre, montrez ce que vous en avez fait et redemandez»
Chers Amis, je voudrais remercier les différents présidents qui se sont succédé à la tête de notre société et les membres du CA avec qui j’ai eu le plaisir de travailler.
Merci à la grande famille Néphrologique Francophone. A La fin de cette allocution, je voudrais revenir à feu mon maître Pr Milliez. Un samedi matin, du mois de mai 1970 alors que j’assurais avec lui sa consultation, voilà ce qu’il m’a dit «comptez vous faire une carrière universitaire ?» A ma réponse par l’affirmative, il a enchaîné : «pour réussir cette carrière, il y a trois voies, congénitale, génitale et celle du travail»; vous n’avez que la 3ème. Mon maître avait raison. Je suis fils d’ouvrier et ma femme n’est pas fille d’un notable.
Mais, il n’avait pas complètement raison. La voie congénitale a constitué pour moi une solide assise. Mes parents m’ont donné une éducation basée sur l’honnêteté, la franchise, le goût du travail, le don de soi, le respect et l’amour de l’autre. La voie génitale n’a pas déméritée; ma chère épouse qui a consenti des sacrifices énormes a été d’un soutien inébranlable, en France et en Tunisie, où elle a contribué à son développement par les fonctions qu’elle y a occupées. Il est difficile d’exprimer sa reconnaissance à sa chère moitié, les mots manquent !
Chers amis, pendant toute ma vie, j’ai servi avant de me servir, j’ai essayé d’être toujours utile aux autres.
Je terminerai sur cette note philosophique en citant un verset du Coran : «L’homme parfait est celui qui est le plus utile aux autres »
Tant que j’ai la santé, je servirai la santé et en particulier la Néphrologie.
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