Pourquoi « L'Expression » s'est éclipsé
Ne le cherchez pas dans les kiosques à journaux : l’hebdomadaire « L’Expression », édité par la société Le Défi (Dar Assabah) a fini par jeter l’éponge. Le numéro 72 censé être mis en vente ce vendredi fera fausse route à ses lecteurs. Au bout d’une année et demie, le rêve tant caressé et le projet longuement préparé par Raouf Cheikhrouhou bute, malgré tant d’encouragements, sur la dure réalité. Etroitesse du lectorat francophone, ronronnement de l’actualité, rareté des belles plumes rédactionnelles disponibles, étiolement de la manne publicitaire pour la presse écrite, et surcoût de production et de diffusion.
Après avoir résisté pendant près de 18 mois, le fondateur se trouve, ainsi, acculé à tirer la révérence, pour mieux se consacrer aux autres publications de Dar Assabah. Raouf Cheikhrourou, navigateur rompu au grand large, se résout à réduire sa voilure. Lui qui a toujours rêvé de « lancer la Mercédès de la presse magazine » ne peut se contenter de n’importe quel sort. Un sort scellé depuis plusieurs mois, semble-t-il, bien même avant le changement, il y a 6 mois, du coordinateur de la rédaction.
« Il faut le dire, à la base, le concept est bon. Mais, dès le lancement, le décollage n’a pu s’effectuer comme espéré, explique à Leaders, un spécialiste des médias. La puissance de feu rédactionnelle et promotionnelle n’est pas parvenue à hisser très haut ce magazine du week-end et à le positionner solidement sur l'orbite de la large audience et, à tout le moins, de l’équilibre financier, sans songer à un fort retour sur investissement. Dans cette industrie, résister plus de six mois comme il l’a fait, est un acte de bravoure.»
« L’expérience a le mérite d’avoir été tentée, ajoute-t-il, et Raouf Cheikhrouhou s’y est totalement investi, ne lésinant pas sur les moyens quand il a fallu les mobiliser et les bonnes décisions quand il a fallu les prendre" déclare un observateur à Leaders.
L’effet d’émulation entre les publications du groupe n’a pas, d’ailleurs, manqué de doper le quotidien Le Temps qui ne cesse de gagner en vigueur, indépendance et liberté de ton. Mais, il a fallu se rendre à l’évidence. Autant concentrer toutes les énergies sur ce qui réussit. Ainsi sont les dures lois de l’industrie de la presse. Mais, il ne faut pas que cette expérience ait un effet dissuasif sur d’autres éditeurs. Pas plus que dans les autres secteurs, il n'y a pas de fatalité de l'échec dans la presse d'autant plus que le lecteur tunisien demeure demandeur de magazines soignés et c’est aux journalistes de les concevoir avec talent et intelligence et aux annonceurs de les soutenir.