Tunisiens, si vous osiez
Il y a quelque chose de pathétique dans le témoignage de Ridha Dabbabi, « doyen » des Tunisiens d’Australie. Voilà un homme dont on peut dire qu’il a réussi sa vie dans un pays lointain où rares sont les Tunisiens qui s’y sont aventurés, au point d’y être retourné après sa retraite pour s’y installer définitivement avec sa femme (tunisienne) et ses deux fils qu’il a mariés à deux Tunisiennes et qui plus est, originaires de Sousse comme lui. Indiscutablement, Ridha se plait dans ce pays-continent, grand comme... 40 fois la Tunisie et peuplé, seulement, d’une vingtaine de millions d'habitants-alors que pour la même superficie( 7 millions de km2), la Chine compte 1,3 milliard d'habitants-tolérants, où la Arabes ne sont pas, parfois, désignés à la vindicte publique par une droite haineuse et xénophobe, où on reconnaît le droit à la différence, comme cela est souvent le cas dans les pays anglo-saxons, où l'ascenseur social fonctionne à plein régime et sans exclusive aucune.
Ridha ne s’y est pas trompé. Le mérite de notre compatriote est d’autant plus grand que ce pays de cocagne ne lui a pas fait oublier sa chère Tunisie, sa bonne ville de Sousse, son étoile du Sahel. Il y retourne chaque année ou presque pour s’y ressourcer, voir ses amis, assister à quelques rencontres de son équipe favorite et...faire provision de ces produits qui fleurent bon le terroir : L’harissa, la Mloukhia et least but, not least les fameux zgougou, ces graines dont les Tunisiens sont, probablement, les seuls consommateurs au monde. Encore une exception tunisienne!
Tous ceux qui ont séjourné longtemps à l’étranger ont bien connu cette sensation: un plat comme la Mloukhia ou une Assida peut déclencher en vous une série de souvenirs telle la madeleine de Proust. C’est pourquoi, Ridha ne s’en privera pas, de retour à Sydney. Sur sa table, vous ne trouverez que des mets tunisiens, même ceux qu’il avait en horreur à Sousse. Car, servis en terre australienne, ils prennent, curieusement, un goût de revenez-y avec en prime les doux souvenirs qui refaisaient, à chaque fois, surface.
La colonie tunisienne en Australie compte 200 personnes contre une centaine de milliers de libanais et quelque deux cent mille égyptiens. Pourquoi si peu de Tunisiens? La distance? peut-être. la langue ? Sans doute. Mais il y a aussi un facteur psychologique. le Tunisien n’aime pas rester trop éloigné de son pays. En Europe, ils ne se sent pas dépaysé, et puis il y a la parabole qui lui permet à tout instant de "rentrer" au pays. Il suffit d’ouvrir le téléviseur et de se brancher sur l’une des trois chaînes tunisiennes. Ce qui n'est pas le cas quand on réside aux antipodes. Pourtant, c’est dans des pays comme l’Australie, la nouvelle Zélande et même les Etats Unis que les opportunités de travail et les chances d'ascension sociale sont les plus grandes.
Le cas de Ridha Dabbabi montre, en tout cas, que le Tunisien a une grande faculté d’adaptation sans qu'il n'éprouve, pour autant, le besoin de changer de nom ni de rompre avec sa culture quitte à perdre son âme comme on le lui "suggère" sous d'autres cieux.
Alors, chers compatriotes au lieu d'avoir, constamment, les yeux fixés sur la ligne bleue des Vosges, intéressez-vous à ces pays- provisoirement- lointains ( les moyens de communication moderne finiront bien par en avoir raison) où ils vous sera plus facile de vous réaliser que dans la vieille Europe-et ce n'est pas Ridha Dabbabi qui nous démentira- ou même de connaître le même destin que Carlos Slim, Paolo Malouf ou Carlos Menem, tous trois fils d'émigrés arabes.
Hedi
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