Les Mémoires de Béji Caïd Essebsi: un témoignage exceptionnel sur les premiers pas de l'Etat Tunisien
Retiré de la vie politique depuis quelques années au terme d’une longue carrière dans la Haute Administration, le Gouvernement et la diplomatie, M. Béji Caïd Essebsi, ancien ministre des Affaires étrangères vient de nous livrer ses Mémoires (publiés chez Sud Editions). Des Mémoires pas comme celles qu'on a eu l'occasion de lire, jusqu'ici, sous la plume de nos hommes politiques. Un vrai livre d'histoire où l'auteur s'efforce à l'objectivité évitant au maximum de tomber dans ce travers que n'ont pas su éviter ses anciens collègues en se contentant de se livrer à un plaidoyer pro domo. Résultat: un témoignage exceptionnel sur des pans entiers de notre Histoire par l’un de ses principaux acteurs.
Le livre, un pavé de 500 pages, passe en revue les temps forts de cette période. Ceux qui s’attendent à des révélations croustillantes, ou à des règlements de compte, en seront pour leurs frais. L’auteur, grand serviteur de l’Etat pendant 35 ans sait jusqu’où il ne faut pas aller trop loin. Elevé dans le respect des institutions, il reste tenu à une obligation de réserve. Mais,l’apport de ce livre est ailleurs. Son témoignage "complète et corrige" les versions connues en y ajoutant des informations de première main et le cas échéant puisées à des sources sûres. Certains épisodes, mal connus, comme le limogeage de Tahar Belkhodja en 1967, l’enlèvement des Professeurs Zouheir Essefi et Habib Attia sont bien rendus de même que les circonstances de la mort tragique du Secrétaire général du Ministère des Affaires étrangères, Khémaïs Hajri dont l’auteur a été le témoin direct.
Tout au long du livre, Si Béji ne cachera pas son admiration- raisonnée- pour Bourguiba dont il nous dévoilera certaines facettes de son personnage, sa clairvoyance, son courage politique, la profondeur de ses analyses politiques (son analyse des rapports Est-Ouest au lendemain de la 2ème Guerre Mondiale, telle qu'elle est rapportée par l'auteur est d'une extraordinaire lucidité). On comprend, dès lors, son attachement pour "le Monde libre", son alignement sur les Etats Unis pendant les guerres de Corée et du Vietnam. Les portraits qu'il fait des trois grands militants, Bahi Ladgham, Ahmed Tlili et Taïeb Méhiri, nous révèlent un grand écrivain. Sans haine mais aussi sans complaisance, l'auteur nous retrace 50 ans d'histoire dont on croyait tout connaître mais qui, apparaîssent sous sa plume sous un nouveau jour au point qu'on peut, d'ores et déjà, considérer cet ouvrage comme une contribution de premier plan à l'intelligence d'une période essentielle dens la fondation de l'Etat tunisien.