Quel avenir pour la presse en Tunisie ?
Comment promouvoir le paysage médiatique tunisien? En somme, il nous faut davantage de bons journalistes, passionnés, talentueux, bien formés, professionnels et conscients de leurs responsabilités. Mais aussi, des patrons de presse novateurs et pro-actifs, des annonceurs généreux, des sponsors mécènes et des lecteurs, nombreux, fidèles et exigeants. C’est ce qui ressort des différents débats ( parfois fort animés ) qui viennent de se tenir ces derniers jours à la faveur de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse. Une nette progression, certes, mais un potentiel très large et surtout une approche 360° à privilégier.
Dans son message à la famille médiatique tunisienne, le Chef de l’Etat ne pouvait être plus clair en soulignant: " nous réitérons l'appel à redoubler d'efforts, à faire preuve de créativité et à diversifier les initiatives, au sujet de tout ce qui peut contribuer à promouvoir l'espace médiatique tunisien et à le hisser aux plus hauts niveaux". Qui n’y souscrit.
Un champ de libertés qui s'élargit
Cette volonté politique exprimée au plus haut niveau en écho aux aspirations de la Tunisie, se trouve confrontée à la rude réalité des contraintes et pratiques quotidiennes. Si le champ des libertés s’élargit sans cesse, gagnant en maturité, si les lancements de nouveaux médias se multiplient avec une meilleure qualité dans la presse écrite, comme l’audiovisuel et la presse en ligne, l’économie du secteur n’arrive pas à suivre. La conférence de presse donnée mardi matin par l’Association Tunisienne des Directeurs de Journaux (ATDJ), à la faveur de la publication du rapport sur les libertés de la presse, en a livré les préoccupations.
D’abord, signe de pluralisme et de diversité, c’est la première fois que l’ATDJ élabore et publie un rapport détaillé qui vient exprimer, en complément à celui du Syndicat des Journalistes, le point de vue des éditeurs de presse. Evidemment, et c’est louable, quand les patrons de presse rencontrent les journalistes, ce n’est plus une conférence de presse, mais une méga-conférence de rédaction. Du coup, nous ne sommes plus dans les questions-réponses, mais dans les échanges et débats, qui ne peuvent être que fructueux.
Encore un rapport, diront certains, mais ce n'est jamais de trop. L’éclairage qu’il fournit sur la situation des entreprises de presse est instructif. Si l’avancée se confirme, le souci de l’équilibre financier, le combat quotidien contre la hausse du prix du papier et des coûts d’impression et de distribution ainsi que la recherche continue de belles plumes sont au cœur des préoccupations. « Nous devons le reconnaître, dira Hédi Mechri, patron de L’Economiste Maghrébin et président de l’ATDJ, nous sommes tous pénalisés par l’étroitesse du marché, la tradition de l’oralité, l’émergence des nouveaux médias, à profusion, gratuits et instantanés. Il nous appartient de re-séduire nos lecteurs, de nous mettre en phase avec eux et d’aller les trouver au-delà de nos frontières, avec un contenu, un style et une iconographie de leur préférence.»
Editeurs et rédacteurs, même combat
Dans cette reconquête impérative de la presse écrite pour garder intacte sa position sur le marché et accomplir sa noble mission, éditeurs et rédacteurs doivent faire cause commune. «Nous ne sommes pas dans un scénario d’affrontement, ajoutera-t-il; plus que de la prédisposition, nous sommes dans une offre de dialogue pour la concorde et la relance. Nous sommes tous issus des rangs rédactionnels». Une union sacrée qui n'exclut pas la pluralité des opinions.
Il reste qu'à trop focaliser sur le contenu, on a, souvent, tendance à oublier qu'un journal est, d'abord, aux yeux de la loi, une entreprise commerciale. La meilleure façon d'aider un journal à remplir la mission qui doit être la sienne n'est-elle pas, dans ce cas, de consolider l'entreprise de presse et de l'aider, non pas à survivre, comme celà est le cas aujourd'hui, mais aussi à prospérer pour attirer les meilleures plumes et à présenter un produit, techniquement, irréprochable et, partant, lui permettre à faire face à une concurrence des plus féroces avec les 1000 titres étrangers vendus dans les kiosques.
Un débat salutaire qui ne concerne pas seulement les patrons de presse.