Mondhor Ben Hmida
Maître Mondhor Ben Hmida, brillant avocat au barreau de Tunis, vient de s'éteindre à Paris plongeant dans le chagrin tous ceux qui l'ont connu et aimé: famille, amis et confrères. Un de ses condisciples à l'ENA, Abou Sonia se souvient:
Mon frère, mon ami,
On n’était que sept à réussir le concours d’entrée à l’ENA en cet été caniculaire de l’année 1973. Tu débarquais de Paris élégant, raffiné, sourire large et charmeur. Je te trouvais bien des ressemblances avec Jacques Chirac, étoile montante de la politique française. Très vite, tu devenais la base de nos triangulations et de nos escarmouches avec l’ombrageux, l’anxieux, et cynique directeur des études. Notre complicité se scellait au cours de notre voyage d’études sous la conduite de notre illustre aîné si Mohamed Eljeri. C’est là où on a mesuré l’étendue de tes relations et de tes réseaux parisiens.
Sur la colline de Saint Augustin, passage obligé pour les grands corps de l’Etat, on étouffait du cadre étriqué de l’absence de l’esprit critique et certains enseignements nécessaire pour une meilleure compréhension du présent et de l’avenir. Heureusement qu’il y avait quelques enseignants de haut niveau: l’extraordinaire Si Tijani Chelli, le narquois Si Mohamed Sethom, le talentueux Si Mongi Safra, et l’aimable Si Mohamed Haj TaÏeb.On n’oubliera pas de si tôt la science et la pédagogie de nos directeurs généraux : feu Si Hamadi Snoussi et le grand militant Si Hamed zghal.
On n’était pas nombreux mais on était exigeant, accrocheur, curieux. Nos talents s’exprimaient lors de conférences des méthodes, des exposés et des enseignements assurés par des professeurs visiteurs. Et un jour de printemps de la deuxième année de scolarité, et contrairement aux hirondelles, Tu a pris le chemin inverse pour regagner Paris. C’est là que tu t’es fait offert le plein de diplômes, Paris que tu aimais aussi intensément que Tunis ou Akouda. Et te revoilà en 1978, année charnière de notre histoire parmi nous à Tunis.
Un orateur émérite, une plume intarissable
On avait beaucoup de fierté de te savoir engagé au sein de la grande équipe du premier ministère de l’époque où tu exprimais ton talent et ton savoir immense. Ce démarrage ne dura pas longtemps, et te voilà comme Hannibal au Sahel pour planter un projet précurseur alliant tourisme et sport, puis haut cadre à l’administration centrale, et enfin et durablement tu endossas la robe des défenseurs de la veuve et de l’orphelin.
Sirius est de retour à Carthage, le barreau gagne en toi un fin connaisseur des systèmes juridiques, un orateur émérite et une plume intarissable. Nos rencontres et nos échanges se passaient sous le signe de la passion pour l’avenir, hélas de plus en plus court et rarissime.
La vie file comme les grains d’un chapelet bien ordonnés. A chacun de faire face à ses accros et à ses injustices, et tu as fait face à ton mal avec sérénité et grandeur, un courage homérique à transcender la souffrance et à égayer ta vie familiale et professionnelle des meilleurs moments possibles comme seules en sont capables les âmes bien nées, mon frère. Tu as saisi, précocement, le sens de la vie et tu as été jusqu’au bout, loyal, engagé et au service d’autrui.
A présent, alors que tu reposes en paix, près de tes parents, tu sembles nous livrer le message de la Liberté retrouvée en voguant dans l’immensité d’un monde meilleur et dans la cascade de la lumière éternelle. Nous nous souviendrons toujours de toi, comme le meilleur d’entre nous. Adieu l’ami, Adieu le frère, Adieu Mondher .
Abou Sonia