Mustapha Machat
Si la fonction de Médiateur devait être instituée un jour dans le secteur de la communication, il ferait un bon candidat. Mustapha Machat qui vient d’entamer ce 1er juin son deuxième cinquantenaire est un homme de médias par excellence.
En 30 ans de carrière, il a fini par en explorer toutes les arcanes, pratiqué tous les acteurs significatifs, et arbitré tant de désamours. Journaliste à Assabah, il est témoin, à partir des années 80, d’évènements-clefs où il s’est distingué par sa couverture des événements politiques et économiques, et a côtoyé tous ceux qui comptaient. Puis, il a pris de la distance en tant que conseiller en communication dans une grande entreprise, sans jamais rompre les amarres en gardant un pied dans un grand quotidien, et en continuant à entretenir des liens étroits avec la profession. Bien au contraire ! Profil.
Il a failli être infirmier et le voilà au service de sa Majesté. En 5ème année secondaire au Lycée de Soliman, Mustapha Machat avait failli flancher sous le poids des contraintes familiales. Il a été tenté par une formation d’infirmier qui lui aurait garanti un poste stable au bout de deux ans. Ambulancier, peut-être ? Urgencier à coup sûr ! C’est dans son caractère d’être proche des hommes. Il a néanmoins tenu le coup et a poursuivi ses études et réussi à décrocher son bac. Ces années ont beaucoup compté pour révéler sa vocation de journaliste de terrain. Epris de sport et de lecture, fervent supporter des affaires de Soliman, sa ville natale, le jeune lycéen d’alors s’essaie au journalisme en tant que correspondant local. Il envoie ses articles au journal Al Anwar et attend impatiemment chaque semaine, de les lire sous sa signature.
La Promotion des Ténors
C’est donc tout naturellement que Bac en poche, il s’inscrit à l’Institut de presse et des sciences de l’information (IPSI). Dans les vieilles bâtisses du boulevard Ali Trad du quartier Montfleury à Tunis, ses camarades de classe s’appellent Maher Abderrahamane, Habib Gheribi, Fayçal Baatout, Chawki Aloui, Ridha Bouguezzi, Khaled Njah, Fatma Karray, Mouldi Hammami, Noureddine Achour, Fathia Adala, Noureddine Boutar, Raouf Mkadmi, Loti BenNasr, Lotfi Ben Milad et bien d’autres. La promotion s’avère être l’un des meilleurs crus de l’IPSI, puisque parmi eux on compte aujourd’hui le Chef de Cabinet du Ministre de la Communication, et les patrons ou rédacteurs en chefs de Mosaïque, Canal 7, RTCI, Radio Tunis, Chourouk, Assabah, etc.
Comme le journalisme ne s’apprend pas uniquement à l’IPSI, Mustapha Machat ira faire ses premières armes, avenue Habib Thameur, à Al Omma, organe de l’Union des Agriculteurs où officiait Hamouda Gharbi et Mohamed Bouharb, un vétéran d’Assabah. Mais, l’hebdo agricole s’avérait trop étroit pour son ambition, et il voulait rallier « le quotidien de référence ».
Il finit par se faire recruter par Habib Cheikhrouhou. Rue Ali Bach-Hamba, il retrouvera à Dar Assabah des figures emblématiques telles que Abdeljélil Damak, Abdellatif Fourati et Mohamed Arfa Mensia, ainsi que de jeunes étoiles montantes, comme Sarra Abdelmaksoud, Slim Karray, Hafedh Baccar, Jamel Bourigua… sans oublier Mokhtar Ghezaiel, Mohamed Makhlebi, Salah Hajja, Mohamed Ben Rejeb, et Abderraouf Limam qu’il affectionne particulièrement. C’est là qu’il s’est lié aussi avec un brillant étudiant qui venait à l’époque à Assabah pour enrichir la page Université qui connaissait un grand succès. Ce jeune étudiant est Samir Labidi, actuel ministre de la jeunesse et des sports.
Une occasion en or
Lancé sur tous les fronts, Machat fournit à la section « Nationale » des scoops et des informations exclusives qui vont droit au cœur du lecteur, couvrent ses préoccupations, et rencontrent son adhésion. Son rédacteur en chef d’alors, Abdellatif Fourati, répétera souvent que Machat est l’un des meilleurs journalistes de sa génération. Il s’adonne à tous les arts du journalisme, multipliant enquêtes, reportages, interviews, analyses et billets. En 10 ans d’une rare intensité entre 1985 et 1995, Mustapha Machat, témoignera de l’actualité brulante. Bénéficiant de la grande bouffée d’oxygène des premières années du Changement, il ne s’impose aucune contrainte, autre que sa déontologie qu’il saura sauvegarder.
De ce fait, la notoriété de Machat dans Assabah atteint son zénith et lui fait ouvrir les portes des hauts responsables. Membres du gouvernement, comme hauts fonctionnaires et chefs d’entreprises, apprécient son professionnalisme et se fient à lui en toute confiance. Comme le disait le dirigeant d’une organisation nationale, les articles de Machat étaient à décrypter parce qu’ils constituaient une « boussole » permettant au tout Tunis de lire la tendance dans la vie politique.
Ces relations, Mustapha sait les établir, les cultiver et entretenir… pour toujours. Même lorsque ses interlocuteurs quittent leurs fonctions officielles. « Je suis l’ami des Hommes, et non des fonctions, dit-il, et je les fréquente et les apprécie davantage lorsqu’ils les quittent, et quelle qu’en soit la raison ! ». Telle est sa devise qui l’a ainsi aidé à élargir le cercle de ses amis.
Au milieu des années 1990, les désaccords familiaux parmi les héritiers à la tête de Dar Assabah ne le laissent pas de marbre. Le journal porte-drapeau du dernier quart d’heure de la lutte pour l’indépendance et l’œuvre de feu Habib Cheikhrouhou, s’enlisait dans les conflits et Machat se refuse à prendre parti et préfère alors faire valoir sa clause de conscience sans toutefois rompre totalement avec le journal. Il continuera à le faire bénéficier des informations exclusives que lui procure son professionnalisme toujours en verve et son carnet d’adresses bien fourni, tout en exerçant comme conseiller auprès d’une grande entreprise.
F3 + S
Les pieds au bureau, mais la tête et surtout le cœur, dans les médias et le Tout-Tunis. Pas un évènement ne lui échappe, et il est souvent «au parfum» à l’avance d’une prochaine nomination, future promotion, intention de départ, ou disgrâce. Il est capable d’être en même temps l’ami des rivaux, sans jamais trahir l’un ou l’autre, souligne l’un de ses amis. Il est souvent consulté et sollicité. Et souvent, il ne se débine pas. "Rendre service, réconforter, soutenir, se rendre utile, c’est vraiment lui, dit l'un des sproches amis de toujours, Mounir Ben Miled.".
Fuyant les réceptions diplomatiques et rencontres mondaines, il préfère le tête à tête avec amis et confrères avec qui il fait souvent son jogging en commentant l’actualité. Sans jamais cependant empiéter sur les plages horaires consacrées à ses «3 F et S», à savoir sa femme, ses filles qu’il qualifie de «perles», sa famille, et bien sûr Soliman. Pour Machat, il y a des sacralités qu’il ne saurait transgresser.
« A Soliman où il se ressource presque chaque jour, Machat a été Conseiller Municipal puis maire adjoint durant trois mandats (15 ans), note un ami de jeunesse, il a toujours été très ancré dans la vie locale et il est toujours sollicité pour soutenir l’action municipale et celle du Cap-Bon. Il a été membre fondateur du Club du 7 novembre de la ville. Depuis son jeune âge, Il s’implique volontiers dans la société civile et le tissu associatif et notamment le scoutisme et le sport (il a été joueur de handball), générant des idées créatives et des solutions qui concilient tout le monde. Besoin d’un terrain gazonné ? Aider des jeunes défavorisés à trouver du travail ? Machat,"l’ambulancier raté", gagné au journalisme, est là pour aider et utiliser son carnet d’adresses».
De fait !
Son lien avec Soliman et ses environs est marqué par son caractère «paysan», c’est-à-dire attaché à ses racines profondes, imprégné de ses valeurs nourricières, heureux d’être parmi les siens, utile et écouté. Rien au monde ne vaut pour lui une partie hebdomadaire de Chkobba, sous le grand murier du café de la place de Soliman, ou un verre de thé avec son père devant la maison familiale, une sortie avec sa douce moitié, une promenade avec ses filles ou un voyage familial en Chine ou au Brésil. Le même bonheur.
«On a intérêt à être son ami, dit un vieux copain en le taquinant. On apprécie alors sa bonne compagnie, toujours sertie de perles hilarantes, et son entregent. Mais, le plus important en lui, c’est son sens politique servi par son flair de journaliste qui connait sur les doigts les us et coutumes du sérail. Il aime son pays et ne transige pas dès qu’il s’agit de toucher à la souveraineté de la Tunisie et chaque fois qu’il y a un dérapage, il réagit. «A ta place, j’aurais choisi d’aller faire le mendiant devant la mosquée de la Zitouna plutôt que de me compromettre avec un pays étranger », a-t-il lancé, il n’y a pas longtemps, à un ex-patron de presse qui s’était laissé influencer.
Toujours en soutien, toujours en service, il ne manque certes pas de défauts, comme nous tous, mais heureux sont ceux qui bénéficient de son amitié.
Médiateur ? Il l’est de fait, pourrait-on dire.