Mustapha Filali fustige "la loi de la fitna" (sédition)
Mustapha Filali qualifie de « loi de la fitna" (sédition) » la proposition de loi dite « d’immunisation de la révolution » en instance d’examen à l’Assemblée nationale constituante. Ce Destourien des temps pionniers, connu pour son intégrité morale, son franc-parler et son tempérament frondeur, jusque dans sa propre famille politique, jette un regard réprobateur et suspicieux sur ce texte.
A la lecture de ce texte, je n’en ai pas cru mes yeux, écrit-il d’emblée dans une « opinion » publiée par le quotidien « Le Maghreb ». Je l’ai relu. J’ai été alors abasourdi de constater qu’un tel texte puisse avoir émané d’une élite éclairée de nos enfants imbus de tolérance islamique et, qui plus est, mandatés par le peuple pour consacrer de telles valeurs dans un texte constitutionnel digne de ce nom. Je me suis interrogé sur les non-dits des intentions des auteurs du projet et sur son timing. La menace que représente Béji Caïd Essebsi pour les équilibres politique, me suis-je dit, a-t-elle atteint un tel niveau d’urgence qu’elle nécessite une loi pour être conjurée ? Ou alors, la révolution est-elle à ce point fragilisée que son état nécessite qu’elle soit immunisée par une loi préparée dans l’urgence ?
Passant au crible les divers articles du texte, Filali raille d’abord l’article 2 qui prive de droits civiques des catégories entières de personnel politique pendant une durée de 10 ans, « une sorte de convalescence politique au terme de laquelle seront déclarés aptes ou non à servir de nouveau », alors que beaucoup d’entre eux n’avaient même pas choisi les fonctions qui étaient les leurs, dont 137 ministres de Bourguiba, du moins les survivants d’entre eux et 204 faits ministres par Ben Ali. Sans compter l’interminable cortège de « Mounachidine » qui serait, 10.000, 20 ou même 150.000 qui, pour eux aussi, il serait malaisé d’établir si un tel acte procédait de leur choix ou non.
Filali dit aussi toute son amertume à la lecture des divers alinéas « bizarroïdes » de l’article 4 qui tend à légitimer une sorte d’inquisition politique de l’administration, pourtant réputée impartiale, allant jusqu’à encourager la délation…
Et Filali de conclure : Si j’ai un conseil à donner, en tant que citoyen de vieille date ne sachant pas s’il figurera ou non sur la liste (des bannis), il serait le suivant : « Je vous conjure, au nom de la mémoire des martyrs, de renoncer à ce projet et vous demande de vous en remettre à la justice, y compris la justice transitionnelle »