Mythes sur le gaz de schiste en Tunisie
En tant que professeur (retraité) de géologie avec un intérêt profond en matière d’énergie, je suis découragé par la campagne de désinformation sur le gaz de schiste menée aux États-Unis, au Québec, en Europe et, plus récemment, en Tunisie.L’Agence internationale de l’énergie (AIE)a qualifié les années à venircomme un « Âge d’or du gaz », ce qui suggère qu’il s’agit d’une source d’énergie qui mérite d’être sérieusement prise en compte,et non pas rejetée uniquement selon des mythes et demi-vérités. Avec des déclarations négatives de la Fédération nationale de l’électricité et du gaz de Tunisie ainsi que les commentaires deDr. Mohamed Larbi Bouguerra, il est clair que des faits objectifs doivent être désespérément insérés dans le débat.
Mansour Cherni, le coordonnateur national de laFédération nationale de l’électricité et du gaz de Tunisie, demande aux Tunisiens de rejeter l’exploitation du gaz de schiste sous prétexte que cela « pollue le sol, l’air et l’eau ». Ces déclarations sont fausses.La fracturation hydraulique, la technique qui libère le gaz naturel emprisonné dans le schiste ou autres réservoirs très compacts enfouis profondément sous la surface, est une technologie sûre qui est utilisée depuis 60 ans en Amérique du Nord. Selon le GWPC (le Conseil pour la protection des eaux souterraines), une organisation composée d’organismes de réglementation d’État américains, cette technologie a été utilisée plus d’un million de fois et n’a jamais provoqué la contamination d’eau potable.
Les fluides utiliséspour fracturer de façon hydraulique la roche sont composés à 99,5 % d’eau et de sable, et les 0,5 % restants sont des additifs que l’on retrouve également dans des produits ménagers courants tels que dansles produits de nettoyage et détergents. En général, moins de 12 produits chimiques sont utilisés pour chaque opération, et non pas 750 comme certains l'ont déclaré .Les puits sont conçus avec de multiples couches de ciment et d’acier qui gardent les fluides à l’écart de l’environnement. Ces fluides sont recyclés et utilisés dans d’autres puits après leur utilisation, mais aussi traités ou injectés dans des puits d’enfouissement à grande profondeur.
D’autres personnes s’inquìètent de l’appauvrissement de l’alimentation en eau par le gaz de schiste en Tunisie. LaKennedy School de l’université de Harvard a constaté que la quantité d’eau utilisée pour l’exploitation du gaz de schiste, par unité d’énergie produite, est inférieure ou égale à la quantité d’eau requise pour d’autres sources d’énergie.Aux États-Unis, l’utilisation d’eau pour toutes les activités pétrolières et gazières, y compris la fracturation hydraulique, représente généralement moins d’un pour cent de la demande totale en eau dans une région quelconque. Dans certaines régions, ce nombre est aussi peu élevé que 0,1 pour cent. Le recyclage d’eau et l’utilisation de sources d’eau non potable sont des options que les entreprises utilisent régulièrement lorsque l’eau est rare.
Il est surprenant que quelques syndicats aient rejeté l’exploitation du gaz de schiste, plutôt que de rechercher des renseignements factuels sur les opportunités qu’elle représente.Aux États-Unis, les syndicats de l’industrie ont joué un rôle instrumental dans l’exploitation du gaz de schiste. M. Butch Taylor est le président de la section396 d’Ohio du syndicat des plombiers et des tuyauteurs, l’un des nombreux syndicats locaux dont les travailleurs ont tiré profit de l’industrie. Avant l’exploitation du gaz de schiste, le chômage représentait 30 à 40 % parmi leurs membres, mais maintenant il constate un « plein emploi » et il se « réjouit » des opportunités offertes à ses travailleurs par l’industrie.
Dans une lettre publiée le 6 novembre dans la revue Leaders, Dr. Mohamed Larbi Bouguerra affirme que des puits seront forés tous les 600 mètres,avec trois puits tous les deux kilomètres. Cependant,avec le forage horizontal, de nombreux puits peuvent être forés à partir d’un seul emplacement, s’étendant dans plusieurs directions, et ainsi, les répercussions seront énormément réduites.Effectivement, un puits de schiste typique permet d’avoir accès à autant de gaz naturel qu’au moins dix puits traditionnels. En outre, les réclamations concernant le gaz de schiste qui aurait provoqué une augmentation du méthane dans l’eau de robinet au Texas, la mauvaise odeur d’eau à Pavillion et des puits d’eau contaminée en Pennsylvanie, ont toutes été étudiées et écartées par les organismes de réglementation d’État.
L’exploitation du gaz de schiste se déroule de façon sûre aux États-Unis et au Canada et le consensus grandissant dans d’autres pays est que le gaz de schiste peut être développé en toute sécurité dans le cadre d’une réglementation appropriée. Le Parlement européen a rejeté une interdiction, recherchant plutôt une réglementation adaptée au contexte européen. En France, le ministre de l’Industrie, M. Arnaud Montebourg, met en avant l’innovation qui permet à l’exploitationdu gaz de schiste d’être effectuée« sans destruction ».
Avec des ressources techniquement récupérables estimées à 13billions de pieds cubes de gaz de schiste, les Tunisiens devraient examiner tous les faits avant de décider de l’avenir d’une source d’énergie sûre et propre qui pourrait offrir des emplois dont les Tunisiens ont tant besoin et des revenus au gouvernement, tout comme cela a été le cas aux États-Unis.
Reynald Du Berger
Professeur de géologie (retraité) à L’université du Québec à Chicoutimi
Chicoutimi, Québec, Canada
Reynald Du Berger, maintenant à la retraite, est un des professeurs fondateurs de l'Université du Québec à Chicoutimi où il a enseigné la géophysique pendant plus de 30 ans. Ses intérêts de recherche étaient en sismologie et en géophysique appliquée à l'environnement, plus particulièrement dans le domaine des eaux souterraines.