News - 03.02.2013

Nabli : l'enlisement de l'économie tunisienne risque de l'emporter, si...

Le scénario de l’enlisement de l’économie tunisienne et de ses finances risque de l’emporter sur celui de la reprise, a mis en garde Mustapha Kamal Nabli. Tirant une sonnette d’alarme, l’ancien gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie et directeur à la Banque mondiale, estime que les différents indicateurs sont inquiétants et appelle des mesures de grande urgence pour leur redressement. Tant que les facteurs politiques et sociaux aggravants ne sont pas réduits et les tendances économiques inversées, affirme-t-il, de graves menaces pèseront de plus en plus lourdement sur la situation déjà critique. Particulièrement exposées, souligne-t-il, les finances publiques qui sont au bord d’un glissement périlleux pouvant remettre en cause le respect des engagements, rendre encore plus difficile l’accès aux financements extérieurs, accélérer le glissement du cours de change (- 6,3% en 2011 et 2012) et nécessiter l’intervention des institutions financières. 

 
L’aggravation de la situation bien inquiétante menacera la capacité des finances publiques à servir les rémunérations et pensions ainsi que le financement de la protection sociale et des soins de santé. A cela s’ajoutent les difficultés du système bancaire, plombé par près de 10 milliards de dinars de crédits classés, et menacé dans sa liquidité et sa capacité de financer l’entreprise.
 
Nabli, qui intervenait samedi à la tribune de la Fondation Temimi, a pointé du doigt le contexte politique marqué par la prolongation de l’amorce de transition démocratique, la recrudessence des scissions et affrontements, la montée de la violence, l’éloignent des perspectives de tenue des élections et la détérioration du contexte général. Dans ce climat, a-t-il ajouté, aucun gouvernement ne sera en mesure de prendre les mesures économiques décisives pour faire face à la situation, se trouvant notamment confronté au tarissement du financement étranger.
 
Les vrais indicateurs économiques redressés
 
Chiffres à l’appui, Mustapha Kamel Nabli a détaillé les indicateurs économiques qu’il n’a pas manqué de redresser selon ses estimations par rapports à ceux publiés par le gouvernement, souvent confondant prévisions et réalisations. C’est ainsi que la croissance en 2012, se situerait plutôt entre 2,7 et 2.9%, comme l’avancent la Banque mondiale et le FMI, contre 3,5% selon le gouvernement qui en e fait un taux politique plutôt qu’conomique. Cette croissance est essentiellement tirée par les augmentations de salaires et les nouveaux recrutements dans le secteur public que la timide reprise du tourisme. Le déficit budgétaire s’élèvera en 2013 à 8,2 % et non 6,6%, et que l’endettement extérieur passera à 48%. Quant à l’emploi, le solde réel des demandeurs s’est accru de 200 000 demandeurs, en raison de la perte de 150 000 emplois et de la réduction de 48 000 personnes parmi la population occupée.
 
S’inscrivant dans un strict registre d’analyse loin de chercher à attribuer la responsabilité à aucune partie, comme il le précisera plus d’une fois, l’ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie a souligné la  lourde facture que subit la Tunisie de plein coup de fouet dans sa croissance se solde durant les deux années écoulées. Il en estime le montant à 5,7 milliards de dinars en 2012 (soit 500 dinars par personne), ce qui représente une perte de 8% du PIB.
 
Inverser les tendances, restaurer la sécurité et des élections transparentes
 
Dans son analyse de la situation économique durant les deux premières années de la révolution, Mustapha Kamel Nabli a relevé que des trois moteurs de croissance, seule la consommation a connu une augmentation, alors que la production (notamment à l’export, grâce aux phosphates, industries chimiques, textiles et mécaniques et Tourisme) et les investissements publics et privés ont été plombés. La situation sécuritaire et les débrayages sociaux, ainsi que la crise en Europe y ont particulièrement concouru. Les perspectives pour 2013 n’incitent pas à l’optimisme. Les politiques suivies par le gouvernement sont arrivées à leurs limites, surtout avec la persistance des facteurs aggravants. L’exportation sera déterminée par trois problématiques à savoir la relance des industries manufacturières pour des marchés extérieurs demandeurs, la reprise du tourisme et le redémarrage du secteur phosphatier. Quant à l’investissement, il demeurera tributaire de la restauration de la sécurité et du retour de la confiance. Reste la consommation qui, elle gagne à être maîtrisée. 
 
Même si le scénario de l’enlisement risque de l’emporter, celui de la reprise, bien que peu réaliste et ne suscite pas beaucoup d’optimisme au sein des institution financières internationales, reste possible selon Nabli. En inversant les tendances actuelles, maîtrisant les dépenses publiques, mobilisant l’investissement grâce à un climat de sécurité et de confiance, marqué par l’annonce d’une date précise des élections et leur tenue dans de bonnes conditions d’indépendance et de transparence, la Tunisie accroîtra sa capacité de relance, a-t-il conclu.