La délivrance
Notre pays est dans une impasse politique et surtout économique. C’est un bateau ivre au milieu des vagues.
La « révolution » ne s’est pas engagée résolument dans la mise en place d’un plan destiné à relever graduellement les défis de tous genres qui se posent et particulièrement ceux qui ont été à son origine.
Face au déficit de l’action politique, surtout au niveau des partis qui détiennent effectivement le Pouvoir, le peuple ne peut plus encore attendre longtemps.
Un brin d’espoir a surgi suite à l’initiative, sincère ou non, de Monsieur Jebali après le séisme soulevé par l’assassinat de feu Chokri Belaid, dans la mesure où il a posé intelligemment, et avec un réalisme politique qui a étonné plus d’un d’entre nous, le cadre de l’action du prochain Gouvernement. Contre toute attente, son parti et le CPR, surtout, s’y sont opposés entrainant sa démission.
On ne peut s’attendre à ce que la feuille de route « Jebali » soit reprise intégralement, par le nouveau chef de Gouvernement, qui de surcroit, se base, a priori, sur une coalition, peut être, relativement plus large, mais sans assise populaire et avec un risque accru de dissensions.
Dans ces conditions, le citoyen ne peut s’attendre à un grand changement malgré la bonne volonté du nouveau Chef de Gouvernement qui demeurera sous la férule du chef d’Ennahdha qui dirige en fait le pays.
Le dernier verrou vient apparemment de sauter avec la démission du Ministre de la Défense ce qui laisse enfin le champ libre au Chef d’Ennahdha pour appliquer son projet de société qui lui tient à cœur beaucoup plus que les programmes économiques ou des élections démocratiques et transparentes.
La question qui se pose est de savoir si l’avenir du pays doit être laissé entre les mains du Cheikh au motif que son parti a gagné démocratiquement les élections alors que la moitié de la population n’a pas voté et qu’une partie de ceux qui ont voté n’est pas représentée à cause d’un mode de scrutin contestable.
Doit-on au contraire œuvrer pour délivrer le pays et sauver les futures élections et le processus démocratique ?
La délivrance du pays pourrait provenir de divers scénarios possibles qu’il faudrait envisager sérieusement.
Le premier, et que plus d’un d’entre nous a attendu et attend encore, est la formation par les « modérés » d’Ennahdha d’un parti.
A cet égard, nous demandons à Cheikh Mourou, qui a fondé Ennahdha, de reprendre l’initiative à la tête de ce nouveau parti avec si Jebali et consorts. Une action concrète est de loin plus efficace que des déclarations irritantes faites à droite et à gauche aux médias.
Les « faucons » tiendront compte de cette nouvelle situation et seront appelés à assouplir leur position vu que la composition de l’ANC sera modifiée en conséquence.
Le second scénario, c’est l’appel à la rue, à la société civile, et à l’opposition avec tous les dérapages possibles si le mouvement n’est pas bien encadré. Ce qui n’est pas souhaitable.
Le dernier scénario et je crains fort, qu’il n’est plus d’actualité dans la mesure où le Ministre de la Défense a présenté sa démission.Pourquoi l’armée n’ interviendrait-elle pas, non pour prendre le Pouvoir, ce que nous refusons catégoriquement, vu que cette vénérable Institution est républicaine et nous tenons à ce qu’elle le reste, mais pour qu’elle fasse pression sur la classe politique et l’obliger à se réunir enfin sans exclusion aucune, dans les meilleurs délais,pour arrêter en commun une feuille de route.
De ce congrès immédiat et limité dans le temps, la classe politique s’entendra sur la formation d’un Gouvernement à l’abri de toute influence des partis politiques pour exécuter cette feuillede route, arrêtée d’un commun accord entre les politiques exclusivement, et conduire le pays à des élections démocratiques et transparentes.
L’intervention de l’armée, avec tout son poids, sera avant tout morale. Elle se justifiera par sa volonté de rééquilibrer les forces en présence dans l’intérêt supérieur du pays et de donner un signal fort à tous, y compris les investisseurs de tous bords, et qu’il y a un capitaine en dernier ressort, devant la déliquescence de l’Etat.
C’est une façon de dire aux politiques que l’armée a été amenée à intervenir, contre son gré, suite à l’incapacité des politiques à s’entendre, et que s’ils continuent dans cette voie, le pays court un désastre certain. Elle sera là, « en bon père de famille » pour garantir la Paix, la sécurité et le déroulement, dans les meilleurs délais d’élections libres et transparentes.
Si j’étais à la place du Ministre de la Défense, je serais resté à la barre et c’est ce que j’aurais fait, dans l’intérêt supérieur du pays, pour conduire le pays à des élections libres et transparentes.
Quoi de plus noble et de responsable que de jouer ce rôle !
Mokhtar El Khlifi