Et si "la surconsommation" avait du bon
"Rationaliser la consommation". Il suffit de visiter l'un des deux hypermarchés de la capitale après la rupture du jeûne pour comprendre à quel point, l'objectif que s'est assigné l'Organisation de Défense du Consommateur est difficile à atteindre. Outre le fait que le verbe "rationaliser" est trop vague (jusqu'où peut-on dire qu'une consommation est rationnelle), le citoyen est soumis quotidiennement à un tir de barrage de spots publicitaires ( rien que pour le premier jour du ramadan, on a eu droit à 299 minutes de publicité réparties sur les quatre chaînes de télévision sans compter les affiches) qui n'est pas de nature à favoriser un comportement "rationnel" chez le consommateur.
Mais, au fait, pourquoi cette levée de boucliers contre la consommation accusée de tous les maux (inflation, surendettement des ménages) qu'on constate dans les journaux. Et si la consommation même " irrationnelle" avait du bon ? Quelle est l'arme préférée des gouvernements pour booster leurs économies en cas de crise ? La relance de la consommation. Vous êtes-vous demandés pourquoi les responsables dans les pays développés sont si prompts à réagir au moindre fléchissement de la demande? Parce que ses répercussions sur l'emploi sont immédiates.
Les mesures prises pour relancer les ventes de voitures dans les pays de l'Union européenne et aux Etats unis ont permis, par exemple, de sauver-au moins provisoirement-l'industrie automobile, et notamment l'emblématique General Motors et partant d'éviter ou de réduire au minimum les destructions de dizaines de milliers d'emploi.
En Tunisie, si mes comptes sont bons, on a eu droit à douze augmentations de salaires successives en douze ans. Ces augmentations ont permis de sauvegarder le pouvoir d'achat des Tunisiens. Si notre pays a pu traverser cette crise sans trop de dégâts jusqu'à présent, c'est parce que la demande n'a pas fléchi, précisément grâce à ces augmentations de salaires successives et aussi grâce aux crédits à la consommation qui ont permis aux classes moyennes d'accéder aux commodités de la vie.
Il y a une trentaine d'années, notre pays importait la majeure partie de ses biens de consommation, c'est pourquoi, les pouvoirs publics qui avaient un besoin pressant de devises pour importer les biens d'équipement avaient mené campagne, pendant de longues années, contre " la surconsommation ". Les rares grandes surfaces ouvertes à cette époque étaient, en fait, des magasins-témoins destinés à réguler les prix des produits de base qui subissaient épisodiquement des flambées du fait de leur rareté. Aujourd'hui, 80% des produits vendus dans les hypermarchés sont " made in Tunisia ". Les enjeux ont changé: les consommateurs sont invités non plus à éviter les excés mais à consommer tunisien. Apparemment, l'ODC en a pris acte. Son nouveau slogan: "le respect des droits du consommateur garantit la transparence des transactions commerciales".