Séquestration de Bourguiba: la pugnacité de Mohamed Sayah
Après la révélation par Leaders de la plainte pour séquestration déposée par Bourguiba contre Ben Ali, nous poursuivons la publication d’autres documents à ce sujet. Cette lettre adressée par Mohamed Sayah à Ben Ali est bien significative.
«A ma connaissance, Mohamed Sayeh est l’une des très rares personnes (1), pendant 13 ans, depuis la déposition de Bourguiba jusqu’à sa disparition, à s’être battu avec ténacité pour obtenir la levée de sa résidence surveillée». Le témoignage de cet historien qui a accédé aux archives de la présidence de la République est confirmé par un document. C’est une lettre que l’ancien historiographe de Bourguiba avait adressée le 25 avril 1990 (le 29 ramadan 1410 et cette précision est importante) à Ben Ali. Il saisit l’occasion de l’Aïd pour lui présenter ses vœux et s’en ouvrir à lui du sort de son prédécesseur. Avec le style et l’habileté qu’on lui connaît, Sayah écrit: «Est-il possible à un patriote sincère de vous exprimer ses sentiments sans évoquer avec vous le sort de votre prédécesseur, le président Bourguiba, et vous dire toute son inquiétude pour sa situation et les conséquences qu’elle peut avoir sur le moral de la nation et sa cohésion à moyen et long terme. En plus du fait que cette situation se trouve en contradiction avec les dispositions d’un Etat de droit au service duquel vous vous êtes engagé, pour en consolider les fondements».
«C’est pourquoi, j’ose, avec votre permission, saisir encore une fois pareille occasion pour vous adresser un appel plein d’espoir pour donner vos instructions en vue de mettre fin dans les plus brefs délais à l’isolement de notre leader et lui permettre de revoir au moins tous ceux avec qui il se sent à l’aise et souhaite personnellement rencontrer».
Disciple de Bourguiba, familier de ses messages codés, Sayah a dû peser chaque mot de sa lettre recommandée adressée par voie postale. L’unique sort qu’elle connaîtra après lecture par Ben Ali, mais sans annotation : l’enregistrement au bureau d’ordre de la Présidence, le 7 mai 1990, sous le N° 01/316 et son versement aux archives les plus secrètes.
(1) Il faut mentionner également le grand militant, Georges Adda qui avait adressé à Ben Ali le 4 novembre 1997, une lettre l'adjurant de rendre à Bourguiba, «le plus vieil interdit de liberté au monde», «sa pleine et entière liberté de se déplacer et de recevoir».
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