News - 20.04.2013

Pourquoi les Tunisiens profitent si peu du Brésil?

Les Tunisiens sont privilégiés au Brésil: pas besoin de visa pour y aller. Ce n’est pas le cas pour les Américains, Canadiens et autres Japonais. En fait, nombre d’opportunités s’offrent au Brésil, le pays le plus vaste et le plus peuplé d’Amérique Latine, 6ème puissance économique mondiale, et en Tunisie pour les ressortissants des deux pays, mais les flux d’affaires, de tourisme et d’échanges éducatifs et culturels sont quasi insignifiants. Pourtant, l’ambassadeur du Brésil à Tunis, Luiz Antonio Fachini Gomes, s’y active.

La balance commerciale est bien légère: 350 millions US$ d’importations brésiliennes, essentiellement du soja, du café, des céréales et un peu de viande, contre 137 millions US$  d’exportations tunisiennes en phosphates et quelques paquets de dattes. Le tourisme n’offre pas de meilleurs indicateurs, mais quand même 3 000 visiteurs brésiliens. Quant à la communauté brésilienne en Tunisie, elle compte près de 80 personnes entre techniciens et femmes mariées à des Tunisiens, notamment  le plus célèbre d’entre eux est l’entraîneur de football Robertinho. A l’origine de ce bilan bien maigre, le peu d’empressement diplomatique tunisien. Une commission mixte est instituée mais ne s’est pas réunie depuis … 2006. Plusieurs fois programmées à Brasilia, des délégations officielles tunisiennes étaient décommandées en toute dernière minute. Après la révolution, un premier signe de relance avec la visite à Tunis, fin avril dernier, du ministre des Relations extérieures du Brésil, Antonio de Aguiar Patriota. Le président de la République, Moncef Marzouki, devait mettre à profit sa participation, le 20 juin, au sommet de Rio+20, pour donner une nouvelle impulsion à la coopération bilatérale, mais sa visite a été annulée au dernier moment, en raison de la situation intérieure en Tunisie.

Des expériences utiles pour  la Tunisie

Un des rares officiels tunisiens à se rendre à Brasilia, depuis le 14 janvier, Abderrahmane Ladgham, ministre en charge de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, y avait pris part en novembre dernier à la conférence de Transparency International contre la corruption. S’il n’avait pu rencontrer la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, il s’était entretenu avec ses proches collaborateurs et pris connaissance de l’expérience du vote électronique et de l’e-gov.

«Vous savez, le Brésil a eu lui aussi sa transition démocratique, souligne à Leaders l’ambassadeur Luiz Antonio Fachini Gomes, et développé, à l’initiative de l’ancien président Lula da Silva,  plusieurs programmes intéressants, notamment celui du développement social qui a permis de sortir quelque 10 millions  de familles, soit près de 40 millions de personnes, de la pauvreté. L’action a consisté à leur accorder une allocation mensuelle pouvant aller jusqu’à 100 $ à la double condition d’envoyer leurs enfants à l’école et de se soumettre à un contrôle médical. Ce système est géré par informatique, en toute transparence, chacun peut accéder au fichier pour vérifier la liste des bénéficiaires et s’assurer de leur éligibilité. Cette transparence est étendue à l’ensemble de l’action gouvernementale. Tout Brésilien peut en effet connaître les dépenses, les salaires, du simple agent de la fonction publique  aux ministres et à la présidente de la République».

«Cette transparence systématisée et soutenue par l’informatique et l’internet s’accompagne, ajoute l’ambassadeur, par un dispositif de vote électronique. Le Brésil, qui compte près de 200 millions d’habitants dont deux millions résidant à l’étranger, enregistre plus de 120 millions de votants. Tout est dépouillé pour la quasi-totalité des bulletins en cinq heures seulement, sachant que le vote porte tous les quatre ans sur le président de la République, les sénateurs, les députés et les gouverneurs. Imaginez alors l’ampleur de la tâche et la performance du dispositif électronique».
«C’est impressionnant, confirme à Leaders Abderrahmane Ladgham. Le tribunal électoral en charge de l’opération nous a assuré de sa totale coopération dans ce domaine, acceptant de mettre à la disposition de la Tunisie cette précieuse expertise».


De nombreuses autres opportunités de coopération s’offrent à la Tunisie, qu’il s’agisse d’exportation de produits et de services d’ingénierie, d’attraction de touristes et d’investisseurs, de recherche scientifique et technique et autres. «Le Brésil est une excellente porte d’entrée pour le marché commun du Sud, Mercosur, qui regroupe plusieurs pays de l’Amérique du Sud, affirme l’ambassadeur Luiz Antonio Fachini Gomes. Il suffit de s’y implanter pour couvrir un grand nombre de pays de la région».  Le nouvel ambassadeur de Tunisie à Brasilia, Sabri Bach Tobji,  devrait y œuvrer en relançant les organismes tunisiens concernés, notamment le CEPEX, la FIPA, l’ONTT et les chambres de commerce. Mais les opérateurs économiques gagnent de leur côté à en prendre l’initiative.