News - 29.04.2013

Les dessous de la décision de Caïd Essebsi de briguer la présidence de la république

Béji Caïd Essebsi a surpris son monde en annonçant lundi soir sur NessmaTV, sa candidature aux élections présidentielles d’autant plus que dans quelques jours, l’ANC discutera du projet de loi relatif à l’immunisation de la révolution, fait sur-mesure pour le président de Nidaa Tounès. Sauf coup de théâtre, le projet de loi sera voté. A quoi, il faudra ajouter la troisième mouture de la constitution qui fixe à 75 ans l’âge limite  des candidats à la magistrature suprême. Un article également malvenu pour Si Béji qui en est à son 86e printemps. La cause paraît donc entendue, sauf pour BCE qui n’en a cure.

S’agissant du projet de loi, il espère que la raison finira par l’emporter, car « il risque d’écorner durablement l’image de la Tunisie » au cas où il serait adopté. A propos de l’article limitant l’âge des postulants à la présidence, Caïd Essebsi a toujours soutenu que« l’âge n’est pas tant une question d'état civil que d'état d’esprit » .Lundi, il a rappelé le cas de Giorgio Napolitano, le président italien, un nonagénaire qui s'apprête à entamer un second septennat. Et puis ajoute-t-il, « la santé mentale compte beaucoup  aussi ». Une phrase assassine  dont on devine aisément le destinataire.

Comment expliquer  cette force tranquille qui se dégage de Béji Caïed Essebsi et son  ton décidé malgré les impedimenta dressés sur son chemin ? Peut-être par la haute idée qu'il se fait de la mission dont il s'est investi : : équilibrer le paysage politique pour empêcher Ennahdha de reproduire le système RCD, avec un parti dominant et « une opposition de sa majesté » qui lui sert d’alibi démocratique. Se défendant même de chercher à éliminer Ennahdha «devenue une composante essentielle de la société tunisienne», il se dit prêt à une coalition entre ce parti et Nidaa Tounès au lendemain des élections si les résultats du scrutin l'imposent.

En annonçant sa décision de briguer la présidence de la république, BCE cherche aussi à s’imposer comme le chef de file de l’opposition centriste en coupant l’herbe sous les pieds des autres dirigeants de cette mouvance qui nourrissent des ambitions nationales comme Najib Chabbi. Grand seigneur, il reconnaît  quand même des qualités d’homme d’Etat à son rival qu’il voit bien à la tête du gouvernement. Il cherche à rallier à lui tous ceux qui se sont montrés sceptiques quant à sa volonté d'aller jusqu'au bout dans sa course au palais de Carthage. Il prend à témoin l'opinion publique tunisienne et internationale, au cas où la troika conduite par le parti islamiste chercherait à l'éliminer de la scène politique. S'ils choisissent cette voie, il aurait  beau jeu de montrer le peu de cas que les islamistes font du jeu démocratique. C'est aussi un message rassurant qu'il envoie aux militants de son parti et une invite à resserrer les rangs dans la perspective des prochaines élections, reléguant ainsi au second plan, les divergences à propos du Congrès de Nidaa Tounès.

On peut s'offusquer de voir un homme d'un âge canonique se présenter aux élections présidentielles et qui plus est avec des chances certaines de l'emporter dans un pays qui compte une majorité de jeunes. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il ne s'agit pas d'une exception tunisienne. Dans les moments de crise, les peuples cherchent à se rassurer en recourant à des hommes providentiels qui évoquent généralement le bon père de famille. Le maréchal Pétain avait 80 ans, lorsqu'il fut appelé au pouvoir au lendemain de la débâcle des armées françaises en 1940. 18 ans plus tard, en 1958, c'est une France au bord de la guerre civile qui fit appel au général De Gaulle. Idem pour la Grande Bretagne avec Winston Churchill pendant la deuxième guerre mondiale et l'Allemagne fédérale en 1949 avec le chancelier Adenauer.

Paradoxalement, leur âge avancé joue en leur faveur, surtout dans les pays qui ont connu la dictature.C'est une assurance tous risques contre les dérives totalitaires. On se rappelle la réponse de De Gaulle à un journaliste qui lui reprochait ses penchants « bonapartistes», lors de son retour aux affaires, en 1958 : « ce n'est pas à mon âge (il avait 67 ans) que je vais commencer une carrière de dictateur». 

Dans le cas de la Tunisie, non seulement le pays traverse la crise la plus grave de son histoire, mais le personnel politique ne s'est pas renouvelé depuis une quarantaine d'années. Bourguiba puis Ben Ali s'étant employés à faire le vide autour d'eux. On dit que les évènements font les grands hommes. Malheureusement, on a beau chercher parmi les dirigeants issus de la révolution, des hommes qui ont la stature d'homme d'Etat, on n'en trouve aucun. Par contre,  à 86 ans passés, Béji Caïd Essebsi détonne par son charisme, son éloquence, sa grande culture et son flair politique, autant de qualités qui en font précisément un grand homme d'Etat. Son long parcours politique, son bref passage à la tête du gouvernement au cours de la première période de transition et la création ex nihilo d'un parti qui a réussi en huit mois à damer le pion à Ennahdha le prouvent  à l'évidence. D'ailleurs, les Tunisiens ne s'y sont pas trompés. Ce n'est pas un hasard s'il caracole en tête de tous les sondages. Les gens d'Ennahdha, non plus qui cherchent par tous les moments à le discréditer aux yeux des Tunisiens, tout en caressant, secrètement,  l'espoir d'un coup de pouce du destin qui serait pour eux synonyme de délivrance

Hédi

 

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