Tunisie: Jeunesse qui meurt, Jeunesse qui vit
Il ne se passe pas un jour sans que les médias de Tunisie et d'ailleurs nous parlent de ces jeunes qui partent servir de chair à canon en Syrie ou se jettent à la mer pour essayer de rejoindre l’Europe.
Leur choix macabre est disséqué par les médias pour ensuite être repris sur les réseaux sociaux ou leurs tragédies sont commentées différemment par les deux franges du fossé qui sépare les tunisiens entre évangélistes du modernisme et chantres de l'islamisme.
Leurs motivations, les réseaux qui profitent de leur désespoir, leurs faits et méfaits, les horreurs qu’ils vivent, les réactions de leurs familles...nous avons droit à tous les détails de leur quête morbide.
Le destin de cette jeunesse, qui est passée à côté de la vie et cherche sa revanche dans la mort est bouleversant et inquiétant. Il est vital d’agir rapidement pour arrêter cette hémorragie.
Mais cette jeunesse qui se jette dans les bras de la mort est loin d’être la seule jeunesse tunisienne.
En deux occasions, j’ai eu la chance dernièrement de côtoyer une autre jeunesse, une jeunesse qui vit, innove et brille.
1 - Swiss Tunisian Think Tank
La première était à l’occasion d’une cérémonie de soutien au Pacte de Tunisie pour les droits et les libertés organisée à Genève.
Une initiative de l’Institut des Droits de l’Homme (IADH) soutenue par de nombreuses associations et organismes, ce Pacte réclame l’inscription de l’universalité des droits de l’Homme dans la prochaine Constitution tunisienne. Ce document est conçu comme une convergence entre d’une part, les acquis universels en matière de droits de l’Homme et de libertés, et d’autre part les traditions progressistes du peuple tunisien et son patrimoine culturel, religieux et constitutionnel.
La cérémonie de soutien était organisée a Genève par L’Association Swiss Tunisian Think Tank (STTT), l’Association des Etudiants en Sciences Politiques et Relations Internationales de l’Université de Genève (AESPRI) et l’Association des Tunisiennes et Tunisiens en Suisse (ATTS).
J’ai été agréablement surpris par les jeunes de Swiss Tunisian Think Tank, qui ont relevé le challenge d’organiser impeccablement cet événement, qui a rassemblé plusieurs centaines de participants et un parterre d’invités prestigieux, en quelques jours.
L’engagement, le sérieux et le professionnalisme de ces jeunes, principalement des étudiants tunisiens en suisse, faisaient plaisir à voir.
2 - DroidCon
La deuxième était à l’occasion du Droidcon Tunis 2013 (Droidcon.tn). La DroidCon rassemble à chaque occasion les fans du système d’exploitation mobile Android, des pros, des développeurs et des geeks éclairés, tous passionnés par l’écosystème Android.
Outre les conférences et séminaires animés par des experts du sujet, le DroidCon est également un espace d’échange ou entreprises, universitaires et étudiants débattent de technologie, des différents modèles économiques, de monétisation et d’idées d’applications.
La compétition d’application ou AppChallenge permet à ceux qui le désirent de présenter en quelques minutes un concept d’application mobile et d’avoir le retour instantané de l’audience sous formes de critiques ou suggestions pour à la fin se faire attribuer une note. Deux applications « citoyennes » ont attiré mon attention. La première permet de signaler les déchets et les pollutions en fournissant leur coordonnées géographiques et la seconde de signaler les accidents de la route pour une prise en charge plus rapide par les secours.
Ces événements ont été des bouffées d’espoir. Voir cette jeunesse décomplexée et talentueuse qui crée, innove, débat, s’engage, a envie de vivre et de briller est le meilleur remède contre la sinistrose ambiante.
It’s the Innovation, Stupid !
« it’s the economy, stupid !» « C’est l’économie, idiot ! ». Cette petite phrase de Bill Clinton avait marqué la campagne présidentielle américaine de 1992. La signification dernière est que le débat économique doit être primordial et que tout le reste (sécurité, social, …) ne peut qu’en dépendre.
Cette phrase s’applique tout à fait au paysage politique tunisien ou le débat identitaire démagogue a étouffé la question économique alors que les fondamentaux de l’économie tunisienne sont en train de s’effondrer.
La seule ressource naturelle de la Tunisie est sa jeunesse et le seul acquis de la révolution est la liberté d’expression et de créativité.
Le salut de la Tunisie ne peut venir que par l’association de sa jeunesse et de l’innovation. La débrouillardise ou la capacité de trouver des solutions ingénieuses dans des conditions adverses est un sujet d’actualité et les exemples venant d’Inde ou d’Afrique sont enseignés dans les plus grandes universités.
La Tunisie ou « Tadbir el rass » (débrouillardise) est une compétence essentielle de survie se doit d’exploiter ce gisement de richesses. Innover pour créer de la richesse et des emplois n’est plus un luxe mais une nécessité vitale.
L’Innovation a moins besoin des usines à gaz et des structures soviétiques « entrpreneurticides » est voraces de subventions que de libérer et soutenir le génie créateur de ces jeunes.
Tous les acteurs présents (gouvernement, organismes internationaux, société civile, média) se doivent d’encourager et de mettre en valeur cette jeunesse. qui brille et a envie de vivre pour la détourner du destin morbide de ceux qui se jettent en mer pour rejoindre pour un pseudo paradis terrestre ou recherchent le martyr pour accéder au paradis céleste.
Nabil Majoul
Nabil Majoul (http://www.linkedin.com/in/nmajoul) est Directeur Associé du Cabinet Targa (Genève, Paris, Tunis) spécialisé en Nouvelles Technologies de l’Information (http://www.targa-consult.com).