Quand El Wataniya aborde les sujets qui fâchent
Pendant longtemps, le problème de la minorité noire en Tunisie a été occulté. Car il y a un problème. Les Tunisiens noirs ne sont pas traités en citoyens à part entière, mais en citoyens entièrement à part, même si théoriquement nous sommes tous égaux devant la loi. Les téléspectateurs qui ont suivi mercredi soir l’émission consacrée à cette question sur El Watanya ont découvert avec stupeur que le racisme existe bien en Tunisie. Beaucoup de nos compatriotes noirs l'ont rencontré dans le regard méprisant des gens, dans leurs plaisanteries, dans la discrimination dont ils sont l'objet dans les régions du sud, dans les réglementations auxquelles ils sont soumis alors qu'elles datent d’avant l’abolition de l’esclavage dans notre pays en 1846. Comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, de nombreux tunisiens sont, aujourd'hui, des racistes qui s'ignorent.
Il faut rendre grâce à la révolution de nous avoir dessillé les yeux et délié la langue sur des pratiques d’un autre âge dont une partie de nos compatriotes continue à être la victime. On pourrait nous objecter que le moment n’est pas bien choisi pour soulever de tels sujets, qu’il y a d’autres priorités. Or dans ce cas précis, on a le choix entre soit résoudre les problèmes à froid et au bon moment, soit céder à notre pêché mignon, la procrastination (la tendance à tout remettre à plus tard), au risque d’être contraints de prendre un jour des mesures sous la pression des évènements.