En débat public: la restructuration du système tunisien de renseignement
Longtemps maintenu sous verrouillage hermétique, le système tunisien de renseignement a été mis en débat public pour la première fois, mercredi 15 mai, à l’initiative du ministère de la Gouvernance et de la Lutte contre la Corruption. En collaboration avec les ministères de l’Intérieur et de la Défense nationale, il s’agissait d’engager la réflexion sur la légitimation, l’organisation et le contrôle de ce dispositif dans l’état de droit démocratique, comme l’a souligné d’emblée le ministre Abderrahmane Ladgham.
Prévus sur deux jours, les travaux en séminaire, ouverts à la presse ce qui constitue une grande première, entendent s’enrichir d’expériences étrangères à la faveur de communications présentées par d’officiels et d’experts européens, notamment, le chef du service fédéral de renseignement allemand, le BND, un spécialiste auprès de la chancellerie fédérale allemande et un professeur à l’école fédérale d’Administration en Allemagne. Du côté tunisien, Samir Annabi, Ahmed Ouerfelli, Fadhel Moussa, Imed Derouiche et Sihem Ben Sédrine (au titre de la société civile) sont mis à contribution.
Un nouveau cadre juridique et une Agence nationale de Sécurité
Présentant le système tunisien de renseignement, le représentant du ministère de l’Intérieur, Atef Omrani, a souligné l’absence d’une vision clairement définie après la révolution et le ralentissement de la collecte des renseignements durant les premières périodes en raison notamment d’un sentiment de démobilisation de nombreux agents et informateurs. Au titre des recommandations pratiques, il a mentionné la nécessité de concevoir un cadre juridique approprié définissant les missions, les obligations et droits des agents, la mise en place de mécanismes de collecte et de traitement, l’élaboration d’une nouvelle stratégie de renseignement qui puise ses fondements de la légitimité de la future constitution, la restructuration générale, la formation, le renforcement des moyens logistiques, la concentration des efforts sur les frontières et la synergie avec la société civile dans un effort de sensibilisation à l’impératif sécuritaire.
Pour sa part, le représentant du ministère de la Défense nationale, le colonel Ahmed Chiha, a mis en exergue les enseignements issus depuis le déclenchement de la révolution portant notamment sur un besoin urgent de réforme sur la base de la constitutionnalisation de l’institution militaire et la consécration de sa mission républicaine, indépendante, et à l’écart de tous tiraillements politiques. Pointant du doigt le manque de coordination entre les divers services concernés, il a souligné la nécessité d’unification des actions dans le cadre d’une Agence nationale de Sécurité, fusionnant et renforçant les moyens techniques et optimisant les ressources humaines, qui sera placée sous le contrôle du parlement.
A partir des ces exposés introductifs, des échanges plus spécialisés ont démarré, enrichis par le benchmarking des expériences étrangères dans le domaine.