Sauver notre économie nationale
Il faut féliciter l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) pour avoir relancé ces derniers jours la nécessité d’un débat sur le sauvetage de l’économie nationale. Ces organisations syndicales, enracinées depuis fort longtemps dans la lutte nationale et pour le progrès social, ont décidé de donner la sonnette d’alarme à une classe politique, obnubilée par la lutte pour le pouvoir et par les échéances électorales. En organisant le deuxième round de son Congrès national de dialogue, l’UGTT facilite une entente politique entre les parties prenantes pour hâter la finalisation de la constitution et des textes permettant le passage vers un régime politique nouveau et stable, condition nécessaire mais non suffisante pour un nouvel essor de notre économie nationale sur la base d’un modèle économique novateur.
L’UTICA, pour sa part, a présenté une programme d’urgence en neuf points dont essentiellement l’instauration d’un climat de confiance, fondé sur la sécurité des personnes et des biens et la reprise rapide des investissements, notamment les investissements publics dans les régions défavorisées. Elle insiste aussi sur la mise en œuvre du nouveau Code des investissements qui favoriserait le secteur on shore, longtemps négligé au profit du secteur off shore bénéficiant d’avantages exorbitants et qui permettrait une meilleure valorisation des activités industrielles, compatible avec la nécessité de trouver de l’emploi pour les jeunes diplômés. Dans un monde où l’invention des imprimantes 3 D rend obsolètes les activités de sous-traitance, la Tunisie n’a plus que le choix des industries à haute valeur ajoutée. C’est par l’économie du savoir et de l’innovation que notre avenir industriel sera assuré comme l’ont fait avant nous les sud-coréens et les singapouriens.
Dans ce contexte, une autre organisation syndicale, enracinée dans la lutte nationale et pour le progrès social, l’Union nationale de l’agriculture et de la pêche, a été jusqu’ici négligée, comme d’ailleurs l’est, depuis fort longtemps, l’agriculture elle-même. Six décennies après l’indépendance, de vastes régions de notre pays restent incultes, surtout dans le centre et le sud. Pourtant, ces régions étaient le grenier de Rome pendant l’antiquité. Il y a de l’eau (qu’il faut aller chercher) et les terres sont fertiles. Mais sous le couvert de prétextes tels que la situation foncière ou la multiplicité des petites propriétés, l’on s’est abstenu de les mettre en valeur. Six décennies après l’indépendance, l’huile d’olive tunisienne est exportée en vrac en Italie où elle est raffinée et réexportée dans le monde et notamment sur le vaste marché américain. Des cultures comme l’ail, la pomegrenate, les fleurs dont la demande mondiale est en croissance rapide ne sont pas encouragées.
Quand va-t-on organiser par l’Etat (ministères du développement, de l’agriculture, de l’industrie et des finances en particulier) et les trois organisations syndicales nationales un congrès du développement économique futur de la Tunisie ? Certains diraient que le gouvernement est provisoire et ne peut pas le faire pour le moment. Est-ce une excuse ? Faut-il attendre pour mieux faire ? De toute manière, il est indispensable de regarder en face les problèmes urgents de l’économie nationale : la reprise des exportations, notamment celles du bassin minier, la reprise des investissements, notamment les investissements publics qui ont des effets multiplicateurs sur les investissements privés, le développement rural notamment dans les régions marginalisées, les subventions des hydrocarbures et des produits avec comme corollaire l’organisation des transferts adéquats aux populations nécessiteuses (voir mon article sur la Presse du 4 mai « les chantiers économiques urgents »).
L’année 2013 démarre mal : ralentissement de la croissance, faiblesse des investissements intérieurs et extérieurs, récoltes céréalières plus faibles que l’an dernier, menaces sécuritaires sur la reprise touristique, spéculation contre le dinar. Faut-il attendre que la situation pourrisse avant d’engager un débat national sur le sauvetage de l’économie nationale ?
On s’étonne que le dinar glisse aussi bas alors que la conjoncture n’est pas bonne et que, sous l’effet de l’inflation, le pouvoir d’achat de notre monnaie ne cesse de se dégrader. Cela se reflète sur sa valeur par rapport aux autres monnaies qui ne sont pas sous la pression de tels facteurs.
Dr Moncef Guen