Pèlerinage à la Mecque : le courage d'y surseoir cette année
« Loin de tout alarmisme, il va falloir prendre son courage et se résoudre à surseoir cette année au pèlerinage à la Mecque ! » Sur un ton calme et serein, ce candidat au Haj, Ahmed G., instituteur, qui avait voulu faire coïncider son départ à la retraite, avec l’accomplissement du 5ème rite de l’Islam, opte pour la sagesse. Certes, cela fait des années qu’il y pense, rêve et se prépare, mais avec les risques de pandémie à cause du virus l’évolution du risque sanitaire, il préfère, faire prévaloir la raison.
Les indicateurs officiels de l’OMS sont significatifs: l’Arabie saoudite enregistre le plus grand nombre de cas de grippe A (H1N1), confirmés en laboratoire (595) dans la région et 14 décès. Déjà, pour réduire les risques de contagion, nombre de pays dont la Tunisie ont renoncé à la Omra qui rencontre durant le Ramadhan un engouement particulier. Aussi, les ministres de la Santé des pays arabes ont interdit aux personnes âgées de plus de 65 ans, aux enfants et aux personnes atteintes de maladies chroniques d’accomplir leur pèlerinage à la Mecque, à compter du 19 novembre 2009. Mais est-ce suffisant ?
Face à ce plus grand rassemblement mondial ponctuel: compte tenu des 2 à 3 millions de personnes, venus des quatre coins de la planète, pour accomplir, dans des conditions réduites d’hébergement et d’hygiène, leur rite dans un même espace, durant quelques jours, les exigences de sécurité sanitaires, aussi draconiennes qu’elles puissent l’être, risquent de se révéler insuffisantes.
Deux niveaux de positions sont observés actuellement de par le monde parmi les organisations religieuses et les pays islamiques. D’abord, déconseiller le pèlerinage cette année, comme c’est le cas par exemple du Conseil français du culte musulman ( CFCM ). Puis, suivre avec prudence l’évolution du risque sanitaire et interdire carrément si nécessaire.
Certains recommandent de réduire les contingents de pèlerins. C’est ainsi que par exemple, pour la Tunisie au lieu d’envoyer 8000 à 10.000 pèlerins, on n’enverra que la moitié. « Le risque est le même, explique à Leaders un virologue de l’Hôpital La Rabta. Le problème, c’est l’incubation du virus A ( H1N1 ) et sa transmission avec des pèlerins originaires des différents gouvernorats, dans l’ensemble du pays. Connaissant la viralité redoutable, on peut imaginer alors la pandémie qui sera ainsi favorisée ».
« La question n’est pas uniquement sanitaire, souligne pour Leaders, un expert. Elle est également stratégique et économique. Contraindre des patients à garder le lit pendant quelques jours, c’est avec la propagation du virus, la nécessité de fermer des écoles, des entreprises, des administrations, et des lieux publics. Certains centres névralgiques peuvent se trouver privés de leurs personnels et, en outre, toute l’économie peut en souffrir durement ».
Si à ce jour, les pouvoirs publics ont pris dès les premiers signes de l’apparition du virus, les mesures nécessaires, déployant une panoplie de dispositifs de veille, de prévention et d’intervention en cas de nécessité, aucune décision définitive n’est encore annoncée en ce qui concerne le pèlerinage. « Mais, au risque de décevoir de prime abord certains qui finiront par s’en convaincre, recommande M. Ahmed G. l’instituteur retraité qui a décidé pour sa part d’y renoncer, il ne faut pas hésiter si l’évolution de la situation sanitaire l’exige, de surseoir cette année au Haj. La raison et la raison d’Etat doivent l’emporter. Ce sera là un sacrifice, qui compte certainement pour tout bon musulman. Le Bon Dieu nous le rendra bien ».