Caisse des dépôts et consignations: Elle a tout d'une grande…
Elle a mis du temps à se créer et à se mettre en place, mais la Caisse des dépôts et consignations (CDC) semble être partie du bon pied. Un an seulement après le démarrage de ses opérations, début 2012, elle a déjà multiplié la création de divers fonds et les participations financières, en effet leviers, à une série d’autres véhicules, pour plus de 400 millions de dinars. Elle a également participé aux souscriptions à des emprunts obligataires émis sur le marché par les banques de la place pour un montant global de 55,65 MDT en plus de son intervention sur le marché monétaire par le biais de la souscription aux certificats de dépôts émis par les banques et les billets de trésorerie émis par les entreprises publiques (52.3MDT). Et ce n’est que le début.
En quoi consiste sa mission? Quelle est sa doctrine d’investissement et comment fonctionne-t-elle? Une nouvelle institution qui mérite d’être connue
En plein cœur du nouveau quartier des affaires de Montplaisir, le siège de la CDC, mitoyen de celui de Tunis-Re, flambant neuf, a toute l’allure d’une grande compagnie moderne, tournée vers la rentabilité. Bras financier de l’Etat, elle s’est voulue, dès le premier jour, respectueuse des procédures, mais dotée de toute la capacité et de la souplesse nécessaires pour être très utile et très opérationnelle. Créée en 2011 par le décret-loi N° 85-2011 du 13 septembre 2011, après une minutieuse préparation, la CDC se définit come un investisseur public dédié au développement de l’investissement à long terme, en tant qu’investisseur d’intérêt général (financement des PME, des projets et des participations stratégiques) et un investisseur financier (actions cotées, fonds gérés, emprunts obligataires, bons du Trésor et investissement immobilier). Ses ressources proviennent de l’épargne postale, les régimes d’épargne bénéficiant d’avantages fiscaux, et les garanties consignées ont totalisé 4,2 milliards de dinars à la fin 2012. «Si du temps était nécessaire avant d’entamer les opérations, c’était surtout pour concevoir la doctrine d’investissement, définir les missions et les décliner en actions, mettre en place le schéma de gouvernance, établir un business plan sur cinq ans, une politique de risque et un plan de développement», explique à Leaders son directeur général, Jamel Eddine Belhaj Abdallah. Economiste et diplômé de l’Institut technique de banque (Paris), il aligne une longue expérience de plus de 30 ans au sein du ministère des Finances où il avait été notamment directeur général de la dette publique et de la coopération financière (2005) et chef de Cabinet du ministre des Finances (2011).
Garantir une viabilité économique en rendements financiers même lointains
Pour veiller à la bonne gouvernance, une commission de surveillance de la Caisse a été créée sous la présidence du ministre des Finances et comptant les représentants de divers ministères et de la Banque centrale ainsi que de membres indépendants, à savoir Jalloul Ayed et Ahmed Abdelkéfi. La règle de base convenue est la viabilité économique en rendements financiers. «Pas moins que ce que peuvent rapporter les placements en bons du Trésor, mais on peut accepter une rentabilité lointaine», souligne-t-il. C’est ce qui rassure le secteur privé et les investisseurs étrangers puisque la CDC travaillera en étroite collaboration avec eux. «La construction de cette crédibilité est fondamentale», appuie Belhaj Abdallah, qui montre les premières participations:
• au financement des PME via la création des fonds communs de placement à risque (FCPR) à l’instar du fonds islamique Theemar en coopération avec la BID pour un montant de 50 MDT,
• au capital de la société ATID sous forme de SICAF pour un montant de 10 MDT,
• à la création de Max-Espoir : fonds pour un montant de 35 MDT,
• à la création d’un fonds régional pour un montant de 100 MDT,
• à la création de Phénicia Fund pour un montant de 15 MDT,
• à la création de CDC Export en coopération avec CDC-Entreprise pour un montant de 60 MDT,
• à la création d’un fonds pour le financement du tourisme en coopération avec Swicorp pour un montant de 100 MDT.
«Nous travaillons sur une série d’autres projets : trois nouveaux fonds, des projets dans les secteurs de l’énergie renouvelable et du dessalement de l’eau, cliniques et hôpitaux privés et d’autres, en attendant la loi sur le partenariat public-privé», ajoute-t-il. « Nous sommes sollicités par nombre d’investisseurs qui proposent des projets innovants, tels que le renforcement du pont mobile public de Bizerte par deux autres ponts payants, afin de désenclaver la ville et fluidifier ses entrées/sorties, ou encore des projets agricoles de grande envergure sous contrat de production, notamment à l’exportation, à Sidi Bouzid et Sebiba, dans une première étape». En fait, il garde sous confidence nombre d’autres dossiers soigneusement étudiés.
Un autre choix stratégique qui a été fait par la CDC dès le départ, c’est de s’appuyer sur des équipes réduites, mais spécialisées et performantes pour tout ce qui est central et stratégique et de recourir à l’outsourcing pour le reste. En tout et pour tout, les effectifs ne sont actuellement que de 25 personnes qui s’enrichiront bientôt d’une dizaine d’autres grosses pointures.
Une filiale dédiée à des entreprises confisquées : la CDC Développement
Sollicitée pour la prise en charge de certaines entreprises parmi celles confisquées, la CDC compte aujourd’hui dans son portefeuille 14 sociétés dans lesquelles elle a pris une participation pour un montant de plus de 200 millions de dinars. Une filiale spécialisée (70% du capital détenu par la CDC), CDC Développement, a été créée à cet effet en octobre 2012, dotée d’un capital de 2 millions de dinars et sa direction générale a été confiée à Abdelhamid Ghanmi, ancien directeur général lui aussi au ministère des Finances. Son conseil d’administration est composé de représentants de la CDC, de banques, mais aussi de deux administrateurs privées, Abdelwaheb Ben Ayed et Radhi Meddeb. Elle détient actuellement des participations totales ou majoritaires dans 6 sociétés touristiques, 4 sociétés de promotion immobilière et 4 sociétés du secteur agricole.
« Pour Abdelhamid Ghanmi, la mission n’est pas de tout repos tant ces sociétés nécessitent un travail de fond à tous les niveaux en vue de les rentabiliser, tout en préservant les emplois». Une tâche qui ne manquera pas de peser encore plus lourd avec la perspective de l’élargissement du portefeuille actuel.
Au 5ème étage, dans son bureau qui donne sur la baie de Tunis, le directeur général de la CDC, Jamel Eddine Belhaj Abdallah, lève-tôt et coureur de fond, reste confiant. «Nous avons de bons atouts pour réussir : une bonne doctrine, une bonne gouvernance et de bonnes équipes », nous confie-t-il. Une bonne crédibilité, en Tunisie et à l’étranger, la coopération nouée avec les caisses similaires en France, au Maroc et dans d’autres pays ainsi que de grandes institutions financières, offrent à la CDC un précieux capital de départ qui reste à fructifier.