L'impératif d'éthique douanière en Tunisie
Les services douaniers tunisiens, à l’instar de tout le pays traversent de nos jours une phase de transition déterminante quant à son avenir. Transition veut dire abondon de certaines pratiques, de certains modes de fonctionnement pour de meilleures pratiques, de meilleures règles de gestion et forcément de meilleures règles de conduites aux niveaux individuel et aussi collectif.
Soulever la question d’éthique laisse forcement sous-entendre lutte contre la corruption. Ainsi à mon avis on ne peut identifier les mesures adéquates à prendre que si on définit correctement le problème à résoudre, le mal à y remédier. Et en ce qui concerne le thème d’aujourd’hui, l’éthique est l’une des mesures peut-être la plus importante pour faire face au fléau de la corruption. L’éthique n’est pas simplement une question de morale mais relève plutôt de valeurs et de règles de conduite qui doivent régir le comportement de l’agent de douane pour ce qui nous concerne aujourd’hui.
Mais il est important de préciser que les agents ne peuvent observer les règles d’éthique que si certaines conditions sont satisfaites, si un environnement favorable est instauré au sein de l’institution.
La tâche de créer cet environnement propice à l’épanouissement et au développement de l’éthique incombe forcément à la Direction des services douaniers. Et c’est justement à ce niveau là , c'est-à-dire au niveau de la Direction Générale que se situent mes propos, en vous laissant le soin d’identifier les règles mêmes d’éthique au niveau individuel objet de cet atelier.
Donc j’aborderai dans ce qui suit quelques aspects et mesures que doit assurer la Direction des services douaniers pour permettre justement à ses agents d’adhérer totalement et sans peine aux règles de conduite d’éthique.
Pour être plus pragmatique et savoir que faire pour créer un environnement propice à l’observation totale des règles d’éthique, il est nécessaire de revoir les facteurs qui favorisent la corruption et empêchent la bonne gouvernance.
Parmi les facteurs favorisant la corruption on peut citer :
- l’ambiguïté des textes, d’où les interprétations personnelles,
- le manque de précisions dans la délimitation des compétences et du rôle de chacun dans l’institution,
- la personnification du rôle d’agent public, L’agent s’attribue à soi-même le rôle qui lui est confié alors qu’il ne devrait-être que le serviteur des citoyens et des opérateurs économiques, alors qu’il est tout simplement en mission commandée.
- l’ambiguïté ou l’absence totale de règles de gestion des ressources humaines, de règles claires basées seulement et seulement sur le principe du Mérite.
- l’absence de la notion de bien public donc en abuser constitue un crime sévèrement sanctionné,
- la notion de responsabilité est généralement associée à l’idée d’avantages matériels et de prestige plutôt qu’à la notion du devoir, de charge, d’engagement ,d’obligation de résultats, du devoir de servir les autres et bien garder les droits de l’Etat et non pas de se servir soi-même ou servir ses proches des bien publics alors que rendre service au public constitue tout simplement un devoir. Le devoir devient une faveur qu’on peut accorder, à sa volonté personnelle à qui lui accorde à son tour avantage matériel ou autre. On doit s’attarder longuement sur la notion de responsabilité personnelle qui est applicable à tous quelque soit le niveau considéré.
Là, ce sont certaines conditions qui favorisent la corruption, ainsi l’éthique, règles de conduite individuelles ne peut trouver concrétisation et ne peut déboucher sur une bonne gouvernance que dans un cadre favorable crée par les autorités c'est-à-dire dans notre cas la Direction Générale, lequel cadre devrait être caractérisé notamment par :
- d’abord un cadre juridique et réglementaire clair et précis,
- des procédures claires et connues par tous, d’où transparence totale.
- une dématérialisation des procédures poussée à l’extrême, autant que la technique le permet.
- une gestion des ressources humaines basée sur le Mérite et seulement sur le Mérite,
- assurer aux agents des conditions professionnelles et sociales déscentes.
- inclure le thème de l’éthique dans tous les programmes de formation et à tous les niveaux, c’est une question d’éducation, il s’agit de forger une mentalité.
- exiger des cadres qu’ils donnent l’exemple, évidemment le bon exemple,
- éviter d’accorder aux agents, même aux cadres d’entre eux des avantages en nature,
- punir les fraudeurs avec autant de sévérité et de rigueur qu’encourager les méritants et ceux qui s’engagent pleinement au service de l’institution avec un désintéressement total.
- instaurer un système d’alternance, de roulement dans les fonctions pour éviter l’appropriation de la fonction et sa personnification et créer des cas "d’agents incontournables" ou "indispensables" alors qu’une bonne gestion des ressources humaines évite bien que quelqu’un devient indispensable.
Un système de roulement permet aux agents une meilleure formation, leur ouvre de nouveaux horizons professionnels ce qui contribue à leur épanouissement.
En même temps les mutations permettent aux nouveaux venus dans la fonction d’améliorer la marche du service et lui apporter un sang nouveau.
Une trop longue stabilité est aussi corollaire d’immobilisme, et pour l’agent et pour l’institution, et dans certains cas cette longue stabilité permet aussi le développement de mauvaises pratiques et presque certainement de la corruption aussi.
Evidemment les mesures que je viens d’énumérer ne débouchent sur une bonne gouvernance que si elles sont pleinement enracinées chez tous les agents de l’institution en question et je dirais enracinées aussi chez tous nos partenaires opérateurs économiques et autres.
En conclusion, je dirais que les enjeux représentés par la mission des agents des douanes, enjeux financier, économique et sécuritaire sont tellement importants pour l’ensemble du pays et pour son avenir qu’il est impératif pour les autorités d’accorder à cette institution, qui est la Douane, toute l’attention qu’elle mérite pour qu’elle puisse procéder aux réformes nécessaires et les accomplir avec succès. Et la première réforme à entreprendre concerne nécessairement la gestion de ses ressources humaines car l’homme est à la base de la réussite de l’institution et reste aussi son objectif final.
Mohamed Meddeb
(*) Communication présentée lors de l’atelier sur le développement de l’éthique douanière, organisé à Tunis du 11 au 14 juin 2013, par la Direction générale des Douanes, en collaboration avec l’Organisation mondiale des Douanes, dans le cadre de la deuxième phase du programme « Columbus »
(**) Le titre est de la rédaction de Leaders