Pourquoi Rachid Ammar exige une agence de sécurité nationale
Avant de quitter l’uniforme, le général de corps d’armée, chef d’état-major interarmées, Rachid Ammar l’a martelé de toutes ses convictions : « la première arme contre le terrorisme, c’est le renseignement ». « Cela représente 90% d’atouts majeurs pour gagner la bataille » affirme-t-il. Evoquant la traque des terroristes au mont du Chaambi, il démontre avec force détails convaincants la défaillance du système de renseignement qui a permis à ces groupes de s’infiltrer et de s’installer durant plus d’un an, sans que la moindre alerte n’en soit donnée. Déjà fragmenté avant la révolution, éparpillé entre différent opérateurs, détourné de sa fonction essentielle pour l’inféoder aux caprices personnels et dévouements politiques, il a reçu dans sa partie relevant de la police, un coup de grâce au lendemain du 14 janvier. Du coup, indicateurs et chaîne de collecte, de transmission et d’analyse s’en est trouvée quasiment décapitée.
Pour le général Ammar, l’impératif est clair : fonder sur de nouvelles bases constitutionnelles et dans un esprit républicain, une agence de sécurité nationale. N’appartenant pas à un ministère tout seul, afin de jouer pleinement sa mission transversale, elle doit être placée sous l’autorité du président de la République pour en tirer l’autorité nécessaire, et constitutionnalisée afin de préserver son indépendance. Cette agence aura à assurer un rôle de premier plan, avec des prérogatives larges et précises, des outils modernes et performants, des équipes fournies et compétentes.
Pareil organisme spécialisé a été adopté dans nombre de démocraties, notamment aux Etats-Unis ou en Allemagne. Tout récemment d’ailleurs, le chef du service fédéral de renseignement allemand, le BND, était venu à Tunis participer à un séminaire organisé mi-mai par la présidence du gouvernement au sujet de la refonte du système tunisien de renseignement, en collaboration avec les ministères de l’Intérieur et de la Défense nationale. Ouverte à la presse, cette rencontre, présidée par le Dr Abderrahmane Ladgham, en charge de la Gouvernance et de la Lutte contre la Corruption a abouti à la même proposition que celle que préconise aujourd’hui le général Ammar avant son départ à la retraite.
Le représentation du ministère de l’Intérieur avait souligné à cette occasion la nécessité de concevoir un cadre juridique approprié définissant les missions, les obligations et droits des agents, la mise en place de mécanismes de collecte et de traitement, l’élaboration d’une nouvelle stratégie de renseignement qui puise ses fondements de la légitimité de la future constitution, la restructuration générale, la formation, le renforcement des moyens logistiques, la concentration des efforts sur les frontières et la synergie avec la société civile dans un effort de sensibilisation à l’impératif sécuritaire. Son collègue de la Défense nationale, avait pointé du doigt le manque de coordination entre les divers services concernés, appelant à l’unification des actions dans le cadre d’une Agence nationale de Sécurité, fusionnant et renforçant les moyens techniques et optimisant les ressources humaines, qui sera placée sous le contrôle du parlement.
Il ne reste plus qu’aux politiques d’en décider… le plus tôt possible. L’urgence n’est plus à démontrer.
Lire aussi