Apres la visite de M. François hollande : la France est un grand pays…mais les états unis sont plus grands encore ?
Bienheureux les Tunisiens, M. Hollande est resté chez nous plus longtemps que chez les Chinois !
Le Président François Hollande, fortement pris à partie chez lui - regardez les hebdomadaires parisiens de cette semaine - toujours ce maudit «Hollande bashing» qui colle aux basques de l’ancien SG du PS - est venu redorer son blason à l’étranger. Vieille ficelle que ne pouvait ignorer un politicien aussi retors et aussi rompu aux manœuvres. Face au leadership allemand en Europe, face aux diktats de l’OMC et aux oukases de Bruxelles sur le déficit, face à un chômage qui résiste à toutes les médications socialistes qui plaisent pourtant tant au MEDEF ; enfin, face au limogeage de Mme Delphine Batho, ministre de l’Ecologie et de l’Environnement destituée de manière très abrupte- par SMS- à la demande du lobby des industriels dit-on à Paris, il était urgent de venir au Maghreb revisiter ces terres africaines que lorgnent Qatar, l’Arabie Saoudite et les Etats Unis. Ces derniers prétendaient jadis que l’Amérique latine était leur arrière-cour, la France peu ou prou marche sur ces brisées et voit l’Afrique du Nord comme une chasse gardée. Après le mariage gay - « le mariage pour tous » - après le bruit et la fureur que cette loi a soulevés en France, voilà Hollande en terre d’Islam. Ennahda est bien contente, surtout après les évènements d’Egypte, de cette onction inattendue ! Même si un bon tiers de ses députés a brillé par son absence lors de cette séance extraordinaire du 5 juillet à l’ANC.
L’ANC aux bancs fournis - divine surprise - l’a accueilli avec moult applaudissements - enfin unanime - bien que l’ensemble de son discours ait senti un peu le réchauffé et n’ait contenu que des généralités fort diplomatiques si on excepte la restitution des biens mal acquis et la conversion de la dette. Mais comment oublier le soutien, durant toutes ces années, au régime de Ben Ali dont les méfaits étaient connus de tous les décideurs français comme le prouve le livre de l’ancien ambassadeur de France en Tunisie M. Yves Aubin de la Messuzière ? Comment oublier que l’on a permis à ce dictateur de parader à Paris au côté de Jacques Chirac, en octobre 1997, soutenu par l’agit prop du remuant Abdelwahab Abdellah ? Comment oublier la mansuétude de Nicolas Sarkozy et les fortes et honteuses paroles de Mme Alliot-Marie ?
Grande chez nous, la France ne l’est guère ailleurs, apparemment.
Elle est même capable d’oublier « ces principes universels » qu’évoquait son président dans une interview au Maghreb (05 juillet 2013).
C’est ainsi qu’elle a répondu non à la demande d’asile d’Edward Snowden.
Tout le monde sait pourtant que, chez lui, cet Américain n’a aucune chance d’être jugé sereinement et équitablement. Il risque tout bonnement le sort du soldat Bradley Manning, l’informateur de Wikileaks qui nous a révélés les turpides de Leïla Ben Ali and Co. Manning est à l’isolement et même les Nations Unies déplorent les conditions de sa détention qui confinent à la torture. Or, c’est grâce au courage de M. Snowden que le monde a appris que la National Security Agency (NSA) et le Federal Bureau of Investigation ( FBI ) disposent d’un accès direct aux serveurs de neuf sociétés américaines exerçant dans le domaine de l’Internet, soit Microsoft (depuis 2007), Yahoo (depuis 2008), Google, Paltalk et Facebook (depuis 2009), Youtube et Skype (depuis 2010), AOL (depuis 2011) et, enfin, Apple (depuis 2012) d’après la LDH française. A nos jeunes et à tous les Tunisiens qui donnent tête baissée dans ces médias auxquels ils sont devenus véritablement «accros» et auxquels ils confient tout, il faut qu’ils réalisent qu’ «Uncle Sam is watching you ». Alors, attention lors de la demande d’un visa ou lorsqu’on postule pour une bourse d’étude ou pour un stage. Pire. Nos jeunes doivent savoir que leur «profil» de vie privée et professionnelle est stocké et connu et leur connexion contrôlée à leur insu. Ammar 404 n’existe pas seulement chez les flics de Ben Ali. Les Etats Unis ont de très grandes oreilles qui écoutent aussi bien l’Ambassade de France à Washington que le Conseil de l’Europe… pour traquer devinez quoi ? Mais le terrorisme, évidemment ! N’empêche ! La France –pays de Voltaire- ne veut pas de ce lanceur d’alerte qui a révélé ces turpitudes commises aux dépens d’alliés atlantiques occidentaux.
C’est pourtant grâce à la grande détermination de Snowden que le monde a appris l’espionnage systématique – via le programme Prism - dont faisaient les frais les citoyens et les institutions d’un grand nombre de pays considérés jusque-là comme « amis » des Etats Unis, croyait-on, un peu naïvement. M. François Hollande était alors monté sur ses grands chevaux pour dénoncer ces pratiques et exiger qu’elles cessent immédiatement. De leur côté, les autorités américaines, ainsi d’ailleurs que les grands acteurs privés directement impliqués cités, ont multiplié les déclarations : déni d’abord, banalisation pure et simple ensuite d’un système d’écoute généralisé au départ présenté comme exclusivement destiné à lutter contre le terrorisme. Le terrorisme a bon dos ! Une fois encore ! En dépit donc de ces gesticulations don quichottesques, la France des droits de l’homme et de Victor Hugo plie devant Washington. Snowden ne trouvera pas refuge en France. Il croupit encore dans la zone de transit d’un aéroport moscovite ! Il est néanmoins vrai que la France espionne aussi puisque « tous les services de renseignement occidentaux s’espionnent » (Le Monde du 5 juillet 2013, p.8). A cet égard, la palme revient aux Etats Unis, suivi de la Grande Bretagne-perfide Albion- puis d’Israël et enfin de la Chine, à en croire Le Monde. La France est sur la cinquième marche de ce podium des voyeurs et de ceux qui écoutent aux portes ! Qui parle de morale ici ? La seule règle qui vaille : ne pas se faire pincer !
Autre singulière aventure révélatrice de l’importance des vœux et des désirs de Washington pour Paris : l’avion du Président bolivien Evo Moralès a été empêché de survoler la France parce que les Etats Unis soupçonnaient la présence de Snowden à bord. Longue attente, mardi 2 juillet 2013, à l’aéroport de Vienne en Autriche pour ce dirigeant d’un Etat qui veut libérer son pays et l’Amérique latine de l’impérialisme yankee et de la CIA. Moralès n’a pas oublié cette sombre période d’exactions et d’oukases voulues par Henry Kissinger – alors Secrétaire d’Etat américain - contre le cône Sud. M. Hollande a déclaré qu’il a immédiatement levé cette interdiction de survol dès qu’il a su qu’Evo Moralès était à bord. Mais cette version des faits n’a guère convaincu les Boliviens qui ont exprimé leur colère à la Paz devant la représentation française dans leur pays. On retiendra que c’est un chef d’Etat du sud – d’origine indigène qui plus est - qui a subi l’avanie de cet affront diplomatique et non un criminel de guerre israélien comme Ariel Sharon. L’attitude du gouvernement français a amené le Nicaragua, la Bolivie et le Venezuela à offrir l’asile politique à Snowden, le Président Nicolas Madura du Venezuela déclarant que son pays défiait ainsi «l’Etat impérialiste le plus puissant de la planète.» et qu’il n’en avait pas peur.
Grands les Etats Unis ?
Sous le titre «Bye-bye USA», on lit sous la plume de Hervé Kempf : «La puissance nord-américaine reste engluée dans un American way of life qui n’a plus de sens dans le monde du changement climatique, qui dépense énormément d’énergie et de matières premières, voit son système politique dominé par les forces de l’argent » (Le Monde 23-24 juin 2013, p. 16)
Quoiqu’il en soit de ces tartufferies politiciennes entre Paris et Washington, la France demeure pour nous un grand pays. La France est grande quand elle s’avère la digne héritière des Encyclopédistes, de Diderot, de la Commune de Paris et de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de la Révolution de 1789. Le socialiste Léon Blum – chef du gouvernement français de 1946 à 1947 - disait : «Le régime socialiste est par essence un régime international. Par conséquent, la moralité socialiste doit l’être aussi et le travail qui permettrait de la dégager et de la formuler devrait l’être à son tour.» Quant à l’immense socialiste Jean Jaurès – auquel se réfère parfois M. Hollande et son parti - il déclarait dans son célèbre «Discours à la jeunesse» : «Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques.» Le courage, c’est de reconnaître que «la surveillance électronique… c’est la fin de la vie privée, et que la fin de la vie privée, le début de la fin de la démocratie.»