La HAICA mettra-t-elle fin à l'anarchie du paysage audiovisuel tunisien?
La Haute autorité de l’information et de la communication audiovisuelle (HAICA) s’est-elle fixé la date butoir de son mur de vérité. Animée sans doute des meilleures intentions pour « soutenir la liberté d’expression et inciter à la diversité et la pluralité du paysage audiovisuel », mais aussi comptant exercer pleinement ses pouvoirs, elle vient de fixer, rebondissant sur l’affaire Ettounissya, un délai de 30 jours aux médias qui diffusent sans autorisation afin de lui fournir un dossier complet. Evidemment pour examen dans une perspective, bien que non-mentionnée, de régularisation.
Cette opportunité sera-t-elle saisie et ce délai sera-t-il respecté ? Tout est là. On saura donc le 8 août prochain, à l’expiration du délai fixé, si la loi va l’emporter sur celle de la jungle. La HAICA aura ainsi parié gros quant à sa crédibilité et son autorité. Tenant son pari, elle partira d’un bon pied pour régler et gérer désormais tout le reste. Ignorée, bafouée dans ses attributions, elle devra trouver les moyens pour imposer sa puissance et forcer le respect.
Cette première initiative de la HAICA est non seulement louable (lire la réaction de RSF Tunsie), mais surtout annonciatrice d’une démarche appropriée, à la mesure des attentes qu'a fait naître cette instance. « Traiter sérieusement cette donne » née du vide institutionnel depuis un an et demi, « et y trouver les solutions idoines » constitue la meilleure approche, même si la tâche ne sera pas facile. La HAICA doit en effet faire face à des intérêts politiques, idéologiques et financiers, en plus des aspects juridiques très compliqués.
Quel statut juridique?
Le statut des entreprises propriétaires et émettrice des chaines TV est bien particulier. Une grande distinction est à faire entre, d’une part, la société propriétaire de la marque de chaîne, pouvant bien être établie à l’étranger et émettant à partir de l’étranger, mais en arrosant par satellite la Tunisie et d’autres pays et, d’autre part, ses fournisseurs que sont les sociétés de production. Celles-ci peuvent se trouver implantées en Tunisie. La première, appelons-la la chaîne, conçoit la grille générale des programmes, définit les cahiers des charges des émissions, confie leur production à des sociétés spécialisées, achète d’autres programmes, films, documentaires et autres et diffuse le signal, auprès des diffuseurs satellitaires spécialisés, sur la base de fréquences attribuées. Juridiquement, tout est ficelé et ces « chaînes » sont étrangères, n’ayant de tunisien que le public et bon nombre de programmes.
C’est précisément ce vide juridique qui est exploité aujourd’hui par nombre de chaînes. Des cinq chaînes de télévision privées qui avaient obtenu en septembre 2011, parmi 33 candidats (lire notre article:, une licence d’émission), seule El Hiwar Ettounsi de Tahar Ben Hassine est aujourd’hui à l’écran. Les quatre autres ont soit jeté l’éponge, soit gardé l’autorisation dans leurs tiroirs, sans lancer le signal, en attendant des jours meilleurs. Voici pour la légalité scrupuleusement respectée. D’un autre côté, le paysage télévisuel national s’enrichit chaque mois au moins de nouvelles chaînes qui, dans l’attente de se conformer à la réglementation, parviennent à émettre en recourant à diverses acrobaties. C’est le cas d’Ettounissya, Zitouna, Al Qalam, Al Insen (à partir de Sfax), Al Moutawassit, Al Janoubia, Al Ikhbarya Ettounissia, Tounesna, etc. Sans compter les webs TV qui se multiplient.
Quels financements?
La grande question qui se pose est celle du financement. Quel est le modèle économique de ces chaînes privées ? D’où proviendront leurs ressources ? Faute de quote-part à recevoir de la redevance sur la radiotélévision acquittée avec la facture de la STEG et face au tarissement des investissements publicitaires, qui fournira tout l’argent nécessaire ? Evidemment, nul besoin de chercher à le comprendre, dans une période de transition, marquée d’élections et de course au positionnement. Le phénomène n’est pas spécifique à la Tunisie.
Maintenant, il est clair que c’est à la HAICA de jouer et à tous de la soutenir.