Opinions - 27.07.2013
Tunisie, juillet 2013: le rêve brisé?
La lâcheté de la violence individuelle et la menace du crime organisé
Le 25 juillet restera une date indélébile dans l’histoire de la Tunisie, malheureusement depuis cette année ci à double titre, avec l’horrible assassinat du membre de l’ANC, originaire de Sidi Bouzid, Feu Mohamed Brahmi.
Ce troisième crime politique, qui se produit en moins d’une année, est d’une gravité, qu’il ne faut pas sous-estimer.
En plus du malheur qu’il cause, à la famille du défunt, à ses compagnons de route, et très vraisemblablement à toute la classe politique, et le pays dans toutes ses composantes, il fait peser une réelle menace sur l’intégrité de la société tunisienne, connue pour son caractère paisible et la gentillesse de ses ressortissants.
Car cette période transitoire, n’a pas en deux années et demie, changer la profonde nature du tunisien.
Il y a peu de jours sur une radio nationale, des jeunes expliquaient les conditions de sécurité optimales qu’ils ont vécues, le jour et la nuit, durant leur équipée pédestre récente de Zarzis à Tabarka, et la gentillesse de tous ceux qu’ils ont rencontrés.
La Tunisie est menacée, à présent, d’une banalisation de la violence et son extension au-delà du champ politique pour atteindre dans son intégrité, sa chair et son sang, toute sa société.
Par la violence individuelle, du fait de l’extrême lâcheté de celui qui la pratique, ou en bandes, celle du crime organisé.
Est-ce bien cela, ce que souhaitaient les "tombeurs" pacifiques du régime déchu, qui n’avaient pour seule arme que des slogans vivifiants, prêchant pour une Tunisie libérée du joug de la dictature ?
Est-ce la violence des propos tenus par le personnel politique, opposition comprise, que les tunisiens espéraient?
Les Tunisiens rêvaient, pour leur pays, de liberté, de dignité et de réduction des inégalités.
Ils se retrouvent menacés dans leur vie de tous les jours par la violence individuelle et lâche, qui ne vise que les personnes fragilisées par leur âge, leur handicap, voire leur sexe quand il s’agit des femmes.
Et dans certaines régions à l’instar des évènements du Chaambi, par le crime organisé, structuré et préparé à toutes les éventualités.
De surcroit ils assistent à un spectacle inédit et dégradant qui touche les plus hautes sphères de la société : querelles intestines, divisions multiples, et dissensions au sein de tous les partis politiques et les associations les plus diverses.
LA BANALISATION DE LA VIOLENCE
Une des menaces qui peut frapper de plein fouet le pays, est que le crime se banalise, et que les différentes tendances sociopolitiques entrent dans une Fitna, avec le retour du régionalisme, du tribalisme, du clanisme, et leurs cohortes de petites guerres intestines qui pourraient détruire le ciment de notre tissu social.
Ces situations inquiètent d’autant plus que, il faut bien le reconnaître, rien de concret n’est venu apaiser les peurs des tunisiens, de voir leur pays se fragmenter, ou encore la crainte de se voir soi même, ses enfants, ses proches directement exposés à des menaces d’un genre nouveau pour la Tunisie.
Le deuxième danger ressenti fortement, est que la tendance actuelle, de ni guerre ni paix entre les partis politiques, risque de se poursuivre, et que l’esprit partisan l’emporte sur l’amour de notre nation, empêchant tout consensus durable et entrainant une prolongation de la période transitoire avec une pérennisation de la situation actuelle, qui ne serait bonne pour personne.
Le troisième fondement d’inquiétude est que ces évènements malheureux auront des conséquences néfastes sur notre économie, en créant le cercle vicieux de la baisse de notre monnaie, de la fuite des touristes, de l’assèchement de nos avoirs malmenés, et "last but not least" de la hausse du pouvoir d’achats et de la baisse des opportunités de créations d’emplois.
A cet égard, je plains les organisations patronales, qui ont fait un travail considérable, ces derniers temps pour regagner la confiance des investisseurs, et qui ne seront probablement pas remerciés en retour, en raison de ce crime affreux contre un militant et à travers lui le pays tout entier.
Que faut-il faire, pour éviter que cette situation ne s’enlise ou pire sombre dans le chaos ?
EVITER L’IRREMEDIABLE
D’abord et avant tout, faire en sorte de mettre un frein à la politisation de tout et son contraire.
A titre d’exemple, principalement, la politisation excessive de la Constitution, qui n’appartient à personne, mais est bien celle de tous, devrait être moralement bannie et tout esprit partisan céder la place à une éthique, qui fasse que l’ensemble du personnel politique s’élève à un niveau qui le rend estimable et crédible aux yeux de la communauté nationale et internationale qui nous regarde avec appréhension.
Que les partis politiques adoptent un discours de vérité dénué des promesses hasardeuses, et s’appuyant sur des programmes politiques, développant les différents axes et les échéances, sans omettre de préciser en face des emplois, l’origine des ressources.
Que cesse, au moins pour un temps, le" bal des candidats" qui désespère et amuse, ce qui est pire, le tunisien qui attend que l’horizon se dégage, et que le débat tourne autour des projets - projet contre projet- et ne se limite pas, comme c’est le cas actuellement, aux offres de services, qui sont devenues risibles et inaudibles, tellement elles sont nombreuses.
Il est impérieux que les pouvoirs publics donnent des signes concrets, de leur bonne volonté de protéger les citoyens par un discours de vérité et des résultats tangibles, surtout dans le domaine de la sécurité, afin de conforter la stature de l’Etat et rassurer tout le monde.
Enfin, et même si on peut comprendre le désarroi de tous, il n’est pas nécessaire d’ajouter à cette tragédie, un discours excessif qui ne fait qu’attiser le feu, alors que dans ces moments de grands troubles, la sagesse et l’esprit de responsabilité s’imposent.
Nous devons au contraire, tous faire preuve de dignité, et nous consoler de ces instants de grandes tristesses, plus par la réflexion et l’exploration des voies à suivre pour atteindre un minimum de concorde nationale, car d’autres étapes autrement plus difficiles nous attendent, qu’il nous appartiendra de négocier avec sagesse et le sens du devoir pour redresser notre pays.
Il nous faudrait, à tout prix, éviter, que le rêve fou de janvier 2011, qui a longtemps survécu contre vents et marées, ne vienne se fracasser contre le mur de la violence et de l’ignorance.
Et le peuple tunisien a plus d’un tour dans son sac pour éviter un tel écueil !
Mourad Guellaty
Tags : Mohamed Brahmi
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