Opinions - 02.08.2013

Va-t-on vers l'effondrement de l'économie nationale ?

La crise politique grave que vit notre pays n’a pas manqué d’avoir un effet néfaste sur l’économie nationale. Déjà depuis le début de 2013, l’économie commençait une certaine atonie, suite aux troubles politiques et sécuritaires ainsi qu’aux troubles sociaux, notamment dans le bassin minier. La récolte céréalière a été moins bonne qu’en 2012 et quand l’agriculture ne va pas, le reste de l’économie s’en ressent fortement. La situation des finances publiques a continué à se détériorer avec les recettes ordinaires ne couvrant pas les dépenses courantes de l’Etat et l’investissement public en berne. La balance commerciale a continué aussi à se détériorer avec un accroissement considérable des importations, ne servant pas l’équipement du pays. Le déficit courant de la balance des paiements a continué à se creuser et le dinar a été soumis à des pressions vigoureuses à la baisse. L’inflation a continué son chemin dévastateur sur le pouvoir d’achat des tunisiens. Seule la finalisation d’un accord standby avec le Fonds monétaire international autorisait un certain optimisme.

Cet optimisme est maintenant pratiquement brisé. Suite aux menaces sécuritaires, les horizons se ferment. Déjà l’économie nationale a peu pesé dans les préoccupations de la classe politique tunisienne depuis le 14 janvier 2011. Les gouvernements successifs ont été incapables de concevoir et proposer un Plan de redressement économique et social de notre pays. On a vécu sous les replâtrages occasionnels avec des taux de croissance soit négatifs soit anémiques. Au lieu de favoriser l’investissement, surtout l’investissement public comme moteur de croissance, on a continué à recruter dans une administration publique déjà pléthorique tout en augmentant les traitements et salaires, favorisant ainsi la consommation publique et, à travers les subventions et transferts, la consommation privée. Résultat : l’appareil productif du pays se trouve circonscrit  alors que le pays s’est engagé dans un endettement extérieur significatif. Comment va-t-on assurer le service de la dette dans les années à venir ? La Tunisie a toujours assuré ce service. Peut-elle le faire à l’avenir si la production intérieure est plombée ?

Le secteur bancaire a continué à battre de l’aile sous le poids des crédits malsains accumulés pendant longtemps. Il ne doit sa survie qu’aux injections massives (plus de 5 milliards de dinars) de la banque centrale. Les banques distribuent des dividendes au lieu d’augmenter leurs provisions contre les crédits irrécouvrables et leurs ressources propres. Les injections de liquidités ne sont pas faites pour restreindre les pressions inflationnistes.

Dans des articles précédents, j’ai montré que l’économie nationale est le parent pauvre. Avec une classe politique égoïste et myope dont aucun dirigeant ne possède une culture économique passable, cela n’est pas surprenant. Tant pis pour les rêves des jeunes qui ont fait la Révolution et qui en espéraient beaucoup !
J’ai proposé (pas loin que début juin) la tenue d’une Conférence nationale économique. Une telle conférence est nécessaire pour mettre en exergue l’importance du redressement de l’économie nationale et dégager un consensus national sur –au moins- les chantiers économiques urgents qui doivent être lancés pour éviter l’effondrement de notre économie.

Les chantiers économiques urgents sont très clairs. Il faut redonner à notre économie son dynamisme et ses capacités exportatrices. La sécurité des biens et des personnes est fondamentale. Le bassin minier doit trouver une solution rapide. L’investissement, notamment l’investissement public doit être revigoré. Le Code des investissements doit être adopté. La réforme fiscale doit être mise en place. La Caisse de compensation doit progressivement être remplacée par des transferts ciblés en cash. La réforme du système bancaire ne doit plus tarder.

Si l’on ne fait rien comme d’habitude, on risque de voir notre économie s’effondrer. Le premier perdant sera l’accord standby conclu avec le FMI. Où trouvera-t-on les financements extérieurs si un tel accord n’est pas respecté ?

Espérons que la crise actuelle permettra d’ouvrir les yeux de la classe politique sur les enjeux vitaux de notre pays.

Dr Moncef Guen    
 

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