Comment rouvrir les grilles du Bardo et finaliser la Constitution ? Chaines cadenassées et fils barbelés, les grilles d’entrée des élus du palais du Bardo, siège de l’Assemblée nationale constituante, fermées, sont sous haute surveillance, tout comme les autres portes. Le gel des travaux de la Constituante, décidé à la veille de l’Aïd par son président Mustapha Ben Jaafar, prenant de court ses partenaires de la Troïka au pouvoir, ajoute une pression supplémentaire pour la reprise du dialogue. La trêve de l’Aïd a été mise à profit pour multiplier les concertations : Ben Jaafar a rencontré Foued Mebazaa, Ahmed Mestiri et Ahmed Ben Salah (mais ne semble pas s’être entretenu avec Mansour Moalla et d’autres figures). Quant au chef d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, il s’est rendu pour la première fois au siège de la centrale patronale historique où la présidente de l’UTICA l’a reçu, entourée de membs de son bureau exécutif pour un long entretien de plus de 3 heures.
Cette rencontre au sommet Ennahdha – UTICA, inédite à ce jour, est hautement significative, surtout après la nette prise de position de la centrale patronale quant à la formation d’un cabinet de compétences nationales. Promotrice du dialogue national avec l’UGTT, la LTDH et l’Ordre national des Avocats, l’UTICA se positionne de plus en plus profondément dans le champs politique et se distingue par des positions avant-gardistes ce qui ne semble plaire à Montplaisir, siège d’Ennahdha. Du coup, la rencontre a eu le mérite aux deux parties de clarifier davantage leurs analyses de la situation, l’UTICA réitérant son cris d’alarme quant à la grave détérioration de la situation économique et son constat d’échec du gouvernement de la Troïka. Si aucun rapprochement n’a été enregistré à l’issue de ces longs échanges, le fil du dialogue n’est pas pour autant rompu.
Une rencontre décisive?
Une deuxième rencontre, très attendue, regroupera ce lundi 12 août Rached Ghannouchi, le secrétaire général de l’UGTT Houssine Abbassi et le président de l’ANC et chef d’Ettakatol Mustapha Ben Jaafar. Très actif depuis l’assassinat de Brahmi, le carnage au Chaambi et le sit-in très réussi au Bardo des Constituants qui ont suspendu leur mandat, le chef d’Ennahdha se déploie tous azimuts à la recherche d’une sortie de crise, essayant de sauver l’ANC et le gouvernement Laarayedh à la fois. Il sait pertinemment que les contre-sit-ins au Bardo et à la Kasbah au prix d’une forte mobilisation des troupes envoyées de l’intérieur du pays ne servent que pour le discours interne alors que la véritable solution de la crise ne peut provenir que du dialogue avec l’opposition. Au-delà des discours et campagnes de presse, l’essentiel est là.
Le président de la République provisoire Moncef Marzouki avait pris tout son temps pour multiplier les consultations, sans se presser de formuler une proposition concrète de sortie de crise et la proposer aux parties concernées. A ses divers visiteurs qui lui signalaient la situation d’urgence, il avait promis d’agir après l’Aïd, sans révéler le fond de sa pensée et le sens de sa proposition.
La semaine qui commence sera hautement importante. Alors que le Bardo vivra une autre grande manifestation à l’occasion de la célébration ce mardi 13 août de la Fête de la Femme avec toute sa symbolique d’attachement aux droits acquis, les consultations politiques au plus haut niveaux doivent se hâter utilement. Le pays n’attend plus.