La longue marche de la femme tunisienne vers l'émancipation
La Tunisie est sans doute le seul pays au monde à fêter la femme deux fois par an : le 8 mars à l’occasion de la journée internationale de la femme et le 13 aout, date-anniversaire de la promulgation du Code du Statut personnel, en ce jour-là de l’année 1956, soit moins de 5 mois après l’indépendance. Autre exception tunisienne, cette journée est chômée depuis 1957. Depuis l'indépendance, l’histoire moderne de la Tunisie est jalonnée d’acquis en faveur de la femme. Nous citerons à titre indicatif et non exhaustif : la reconnaissance des droits politiques en 1957, le contrôle des naissances en 1960, le droit à l’avortement en 1973, la création du CREDIF et l’abolition du droit d’obéissance à l’homme en 1993.
Aujourd’hui, la femme tunisienne dispose du statut le plus avancé du monde arabe. Elle le doit certes à un grand homme d’Etat, Habib Bourguiba, mais aussi à tous ces hommes et ces femmes connus ou anonymes qui y ont contribué par leurs écrits ou leur engagement politique. Sans remonter au contrat Kairouanais, on peut citer les réformateurs tunisiens du XIXe siècle, féministes avant la lettre, Cheikh Salem Bouhajeb, Ibn Abi Dhiaf, Kheireddine, Manoubia El Ouertani, Habiba Menchari qui réclama la suppression du voile en 1924 et plaida pour l’abolition de la polygamie en 1929, Tahar Haddad, le héraut de l’émancipation féminine avec son maître-livre, « Notre femme dans la chariaa et la société », publiée en en 1924, Bchira Ben Mrad, fondatrice de la première association féminine tunisienne en 1937, l’Union Musulmane des Femmes Tunisiennes, Asma Belkhodja-Rebaï, Gladys Adda et Radhia Haddad.
Aujourd’hui, avec l'arrivée d'Ennahdha, la femme tunisienne fait face à de nombreux défis. Les nouveaux dirigeants ont beau protester de leurs bonnes intentions, ils n’arrivent pas à rassurer avec leurs discours ambigus sur la complémentarité hommes/hommes et sur bien d'autres questions relatives à la place de la femme dans la société. Face à cette force d'inertie que représentent les partis conservateurs, la vigilance est plus que jamais de mise.
La célébration ce 13 aout du 57e anniversaire de la promulgation de CSP offrira donc l'occasion aux Tunisiennes de faire entendre leurs voix et de réitérer leur volonté de défendre leurs acquis, d’autant plus que cette commémoration revêtira cette année un caractère inédit avec la participation au sit-in du Bardo.