40ème jour, ce vendredi, du décès de Mohamed Ezzeddine Mili
Le 40ème jour du décès à 95 ans, à Genève de Mohamed Ezzedine Mili, ancien secrétaire général de l’Union internationale des Télécommunications (UIT), sera célébré ce vendredi 13 septembre au Pôle Technologique d’El Ghazala. La cérémonie qui sera présidée par le ministre des Technologies de l’Information et de la Communication, Mongi Marzoug, sera marquée par l’inauguration d’une exposition de photos et une série d’hommages. Parmi les orateurs figurent notamment Mustapha Masmoudi, président de l’ATUCOM, Lassaad Belkhiria, au nom des amis du défunts à Jemal, sa ville natale, ainsi que son fils, Lamine, au nom de la famille.
Rendant hommage au disparu lors de ses funérailles, en août dernier, à Genève, Mustapha Masmoudi avait prononcé l’oraison funèbre suivante :
On ne savait pas, le 17 mai 2013, lorsque nous avons répondu à l’invitation du secrétaire général de l’UIT pour assister à la présentation à Genève de l’ouvrage de Mohamed Ezzeddine Mili, que notre doyen allait nous réunir de nouveau 3 mois plus tard.
Oui, Si Mohamed n’est plus de ce monde et nous sommes ensemble pour inhumer sa dépouille. Le mot «Si», si court, si expressif, veut dire en langage tunisien respectable Monsieur ; mais le mot le plus approprié dans ces circonstances devrait être l’expression «sire». Le président Habib Bourguiba voulait le nommer ministre des PTT, le premier après l’Indépendance de la Tunisie, mais Si Mohamed a décliné l’offre par modestie, sans savoir qu’il allait être déclaré quelques années plus tard «souverain» incontestable des télécommunications mondiales.
En 17 ans, il a réalisé à la tête de l’UIT ce que ses prédécesseurs n’ont pas pu faire en un siècle. Si discret, si productif, il avait le don de joindre l’acte à la parole et l’art à l’adresse. N’avait-il pas confié dans son dernier message du 17 mai 2013 qu’émerveillé par le travail qu’il faisait, il s’était appliqué «à remplir (sa) mission avec passion et avec le sentiment d’être soutenu par une chance miraculeusement exceptionnelle». Si Mohamed croyait, il est vrai, en sa bonne étoile, le chiffre 17 lui semblait la clé de ses succès. Nous l’avons souvent entendu se référer à ce chiffre pour justifier humblement les signes de ses performances.
En effet, ce chiffre lui rappelait d’abord l’année de sa naissance en 1917; il lui rappelait également les innombrables initiatives qu’il a réalisées à la tête de l’UIT en 17 ans (1965-1982) ainsi que les grands moments d’émotion suscitée par la célébration annuelle depuis le 17 mai 1968 de la Journée mondiale des télécommunications. Cette grande rencontre a constitué en fait un véritable stimulant pour le développement universel des communications et a permis à l’UIT de devenir un véritable vivier d’experts veillant à l’intégration des différents réseaux nationaux et régionaux dans une connexion mondiale cohérente et l’établissement d’un réseau panafricain permettant des liaisons directes sans passer par un transit hors Continent.
La pierre angulaire de la révolution électronique
L’exposition Telecom 71, qui était organisée sur le thème «Prélude au XXIème siècle», était réellement la pierre angulaire de la révolution électronique. Pour la première fois, une exposition présentant des équipements de télécommunications de toutes sortes était organisée à l’échelle mondiale : matériel de transmission et de commutation, vidéophones, équipements audiovisuels et studios de télévision, câbles sous-marins , guides d’ondes et faisceaux hertziens, équipements pour la transmission des données et ordinateurs, engins spatiaux et satellites, tout un ensemble, à la fois complexe et varié, était admirablement présenté. En même temps, théoriciens, chercheurs, ingénieurs savants de toutes disciplines et tous les membres de la famille des télécommunications étaient au grand complet pour débattre du futur technologique.
Cela a permis de percevoir l’UIT dans toute sa plénitude et de saisir à quel point son rôle était fondamental dans cette révolution planétaire.
Parmi les inoubliables initiatives de l’UIT, on doit se souvenir de la grande Conférence administrative mondiale (CAMR 79) qui avait procédé à la révision globale et générale du règlement des radiocommunications. Il en est de même pour la conférence des Plénipotentiaires (1982) qui avait donné un nouveau sens à la dimension universelle des télécommunications.
A ces performances, il faut ajouter la conquête de l’espace couronnée par la marche de l’homme sur la Lune, transformant ainsi un rêve de poète en une réalité. Or cette dernière promesse n’a pu être concrétisée que parce que les télécommunications ont assuré le contact entre l’engin spatial et l’homme demeuré sur la Terre, car derrière le mot communication se profile une «toile d’araignée», constituée par des réseaux ubiquitaires de télécommunications pouvant transmettre l’information par le son, l’écrit et l’image de n’importe quel point du globe, qui est venue parfaire cet exploit exceptionnel.
Or derrière le mot information se profilent l’ensemble des ordinateurs du monde qui, se trouvant connectés par cette toile, constituent un stockage de connaissances d’une puissance jamais égalée. Sous l’égide de feu Mohamed Mili, la coopération de l’UIT avec l’Unesco et les autres organisations de l’ONU avait conduit à des résultats remarquables par la diffusion des connaissances modernes aux milliers de collectivités isolées et la préparation de l’Humanité à la société de l’information.
Certains observateurs avaient été étonnés spar le peu d’enthousiasme manifesté par le défunt en faveur de la revendication d’un nouvel ordre mondial de l’information et de la communication par les pays en développement, mais l’Histoire lui avait donné raison parce qu’il n’avait cessé de déclarer que l’évolution doit se faire par consensus et que le Sud ne doit jamais déclencher une bataille à armes inégales.
Un fonds mondial pour le développement des communications
En 1980, Si Mohamed avait souhaité réellement la création d’un fonds mondial pour le développement des communications, c’est-à-dire pour le développement des réseaux et du contenu. La conférence inter-gouvermentale organisée à cet effet n’a pu aboutir à ce résultat. Mais c’est en 2003 que ses idées allaient triompher partiellement.
Le Sommet mondial de la société de l’information, tenu alternativement à Genève et à Tunis depuis une décennie, a été pour lui le couronnement d’un processus qui ne devait plus s’arrêter. La communauté internationale était consciente de cet enjeu et de la pertinence de la vision Mili. Elle a su lui exprimer sa haute considération à travers les nombreuses distinctions qu’elle lui avait attribuées. Mohamed Ezzeddine Mili était particulièrement fier de la médaille des services publics dans le domaine des télécommunications que quelques experts internationaux seulement se sont vu décerner. Il aurait pu obtenir d’autres grandes distinctions et même le Prix Nobel de la paix n’était son extrême modestie.
Quelques jours avant sa disparition, un comité international s’est constitué pour préparer le dossier de candidature de Mohamed Ezzeddine Mili au Prix Nobel de la paix et ce comité était soutenu par de grandes sommités internationales. Mais le Tout-Puissant en a décidé autrement.
Pour une fondation Mohamed-Mili
Je voudrais m’adresser à mes amis suisses, pour leur dire que nous vous confions notre cher regretté pour être enseveli dans cette terre qui a donné à l’humanité cette alchimie de création et de savoir-faire. Son vœu a toujours été de renforcer la coopération entre la Tunisie et la Suisse, ses deux patries, et tout particulièrement dans les technologies de la communication. Sans préjuger de ce que les autorités tunisiennes et helvétiques décideraient pour perpétuer la mémoire de notre doyen, le bureau exécutif de l’Association tunisienne de la communication et des sciences spatiales (Atucom), qui s’associe à ce deuil, m’a chargé d’entreprendre les consultations appropriées pour envisager avec la société civile suisse la création d’une fondation qui porterait le nom du grand disparu et qui serait le creuset d’un fonds de solidarité mondiale en matière de communication numérique. L’Atucom pourrait provisoirement abriter le siège tunisien de cette fondation.
Dr. Mustapha Masmoudi
Ancien ministre de l’Information,
ancien ambassadeur auprès de l’Unesco, président de l’Atucom