Une nouvelle semaine "décisive"
La semaine qui commence s'annonce chaude, chaude, chaude avec la grève générale des journalistes et le sit in des élus dissidents et des militants du front du salut national à la Kasbah le mardi 17 septembre pour réclamer la démission du gouvernement et la dissolution de l'ANC : 50 jours après l’assassinat de Mohamed Brahmi, la classe politique peine à s’entendre sur une sortie de crise. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé. Partis et organisations s’y sont mis et ont tout essayé : les feuilles de route, les sit in, les marches, les grèves de la faim, le retrait d'une cinquantaine d'élus de la constituante, le recours à une médiation étrangère, pour faire pression sur Ennahdha.
Comme lors de la mort de Chokri Belaïd, le parti de Rached Ghannouchi a très bien manœuvré, en recourant à une arme qui lui a réussi si bien lors de l'hiver 2013, la diversion ( en focalisant sur le remaniement ministériel, il avait réussi à faire oublier l'assassinat du dirigeant du Watad), mais aussi en cherchant à faire croire à sa volonté de dialogue y compris avec « le « grand satan », Nidaa Tounès, en proclamant son intention de faire "des concessions "douloureuses" (la renonciation à sa loi sur l'immunisation de la révolution, présentée comme une concession majeure alors que son retrait a été fait sous la pression des chancelleries occidentales), tout en entourant ses positions d'un flou artistique (les dirigeants nahdhaouis sont chargés de souffler les uns le chaud, les autres, le froid, dans une belle partition) sur les plateaux de télévision et les radios, histoire de brouiller les cartes et de désarçonner l'adversaire).
Mais au fond sans céder sur l’essentiel, c'est-à-dire sur ce qui lui semble attentatoire à sa légitimité, incarnée par l’ANC et le contrôle du pouvoir exécutif. Ainsi, il n'est pas question de dissoudre l'Assemblée. Et s'il accepte de remplacer le cabinet actuel, son champ de compétence devra être limité à la préparation des élections àl'exclusion de tout autre tâche.
Résultat : malgré les avatars subis par la feuille de route proposée par l’UGTT pour la rendre acceptable par Ennahdha, la position de ce parti n’a pas bougé d’un iota. Il mise certainement sur un essoufflement du mouvement de contestation politique, comme cela fut le cas après l'assassinat de Chokri Belaïd. En quoi, il aurait tort, car c'est le contraire qui risque de se produire avec la rentrée scolaire et universitaire. Certes, l'Assemblée va reprendre ses travaux officiellement cette semaine avec deux séances plénières les 17 et 19 septembre, les premières, depuis le décision de Mustapha Ben Jaafar de suspendre les activités de l'assemblée depuis le 6 aout.
Ce qui peut être perçu a priori comme une victoire de la troika. Mais quelle crédibilité doit-on accorder à une assemblée qui légifère sans son opposition. Le parti islamiste ne doit pas non plus minimiser le mécontentement populaire dû surtout à la crise économique, sans doute la plus grave depuis l'indépendance. A quoi, il faut ajouter cette incroyable bévue du ministère de l'intérieur qui n'a pas tenu compte des mises en garde d'un service de renseignement étranger et pas n'importe lequel contre le risque d'assassinat de Mohamed Brahmi le 14 juillet, soit dix jours avant les faits qui vient apporter de l'eau au moulin de ceux qui parlent de réseau parallèle au sein de ce ministère
Mais finalement, tout dépendra du camp d'en face. A force de lancer des ultimatums non suivis d'effet, d'annoncer des semaines "décisives" où il ne se passe rien, sinon de nouvelles reculades, ou de multiplier les effets d'annonce (comme les promesses de dévoiler les véritables responsables de l'échec de l'initiative de l'UGTT sans passer à l'acte jusqu'ici), il finira par désespérer ses troupes.
Mustapha