Tourisme: Pourquoi les Turcs ont réussi là où nous avons échoué?
Lors d’une visite privée en Turquie, j’ai été agréablement surpris par la réussite de nos amis turcs dans le secteur touristique.
Grâce à mon guide, qui me faisait découvrir les sites archéologiques de la Mégapole Istanbul, j’ai appris que le nombre de touristes en 2012 avait atteint le chiffre record de 31,8 million de touristes avec des recettes de l'ordre de 23,4 milliards de dollars, plaçant la Turquie au 5ème rang mondial.
Pourtant, je me rappelle qu'au début des années 2000, nos amis turcs venaient s’informer de notre réussite dans le secteur à travers des hôteliers professionnels et même avec des délégations officielles.
Pourquoi les Turcs ont-ils donc réussi là où nous avons échoué ? Tout au long de mon séjour, j’ai été obsédé par cette question.
Voici tout abord comment la Turquie a creusé l’écart à travers l’évolution du nombre d’entrées et la recette correspondante au cours de la dernière décennie:
Evolution du nombre de touristes (En Millions)
Evolution des recettes touristiques (En Milliard de dollar)
L’explication technique de ces performances est évidente:
Nos Amis turcs ont su changer de cap à temps, à savoir : sortir du tourisme balnéaire et diversifier leurs produits touristiques tels que le tourisme culturel, médical, d’affaires, de « shopping » et même le tourisme de montagne et de la nature (villégiature, grottes, chasse botanique), ce qui a permis d’allonger la saison touristique.
L’anticipation étant le secret de la réussite, nos amis turcs ont déjà depuis le début des années 80 libéralisé leur espace aérien par «L’open Sky».
Résultat: le tourisme affiche une croissance 2 fois plus rapide que les autres secteurs de l’économie turque
Mais à mon avis, d’autres facteurs sont à l’origine de cette réussite.
La mentalité de nos amis turcs et leur dévouement pour leur histoire, surtout contemporaine. A chaque visite des monuments ottomans : mosquée bleu, palais du Topkapi, palais de Dolmabahçe (pourtant construit par un Sultan mégalomane avec des crédits ayant été à l’origine de la décadence de la période ottomane), mon guide glorifie l’histoire de son pays. Tous les symboles de l’Etat sont mis en évidence, même la période récente d’Atatürk. Le guide nous a même parlé de l’ascenseur du palais de Dolmabahçe fabriqué lors des dernier jours de Kamel Atatürk qui est inscrit au « Guinness des records » parce qu’il sert un seul étage ,même la période actuelle de Rajeb Tayeb Erdogan est vantée.
Par ailleurs, la glorification de la période ottomane s’est amplifiée davantage grâce au succès de la série télévisée « HARIM ESSOLTAN » dont l’impact est significatif sur les ventes des séjours sur l’Afrique du nord et le moyen orient ainsi que les ventes d’objets souvenir au grand bazar liés aux vedettes de la série télévisée.
Et pourtant, à travers le contact avec le peuple turc, il est facile de ressentir combien ce peuple pieux et laborieux, nous est proche : même culture, mêmes habitudes, même attachement à l’équité sociale.
J’ai compris alors que nos échecs sont intimement liés à la mentalité à nos gouvernants. En effet, Bourguiba a tout fait pour effacer la période beylicale, pourtant riche en événements et monuments historiques : palais de la Marsa, Manouba et de Hammam-Lif, délaissés, palais de la Mhamdia, en ruine, qui fut aussi construit durant la même période que le palais Dolmabahçe par un Bey aussi mégalomane qui voulait imiter le château de Versailles Puis, Ben Ali a fait de même. Enfin, la détérioration du climat social et l’insécurité qui règne actuellement en Tunisie ont fait le reste après la révolution.
L’industrie du tourisme est un secteur fragile souvent affecté par son environnement géopolitique, son impact économique et surtout social est important, la Tunisie doit s’inspirer du professionnalisme et du dynamisme turc.
La Tunisie doit se réconcilier avec son histoire millénaire. Tous les palais de la période beylicale, bourguibienne et pourquoi pas celle de Ben Ali devraient être confiés au Ministère de la culture pour une restauration en collaboration avec le Ministère du tourisme, et Le domaine de l’Etat. La Tunisie doit aussi re-dynamiser le secteur touristique par la sauvegarde de ses parcs naturels nombreux ainsi que ses iles à des fins de tourisme écologique en vogue dans le monde.
Nos professionnels du tourisme devraient visiter leurs confrères turcs et de s’inspirer de leur réussite.
A bon entendeur salut.
Abderrazek Maalej
*Expert comptable indépendant