La classe politique tunisienne et la dure réalité politique
L’observateur neutre reste effaré devant l’inconséquence et l’insouciance de l’élite tunisienne et plus particulièrement de la classe politique. Face au péril mortel qui menace, cette classe ne trouve pas mieux que de continuer à louvoyer et à attendre le salut des résultats optimistes de quelques sondages ou de la déconfiture morale, politique et économique de la Troïka. Attitude nihiliste et suicidaire s’il en est et qui ne correspond nullement aux exigences de la situation politique telle qu’elle est.
Certes, le parti Ennahdha a beaucoup perdu de son attractivité politique et idéologique, mais il dispose encore d’atouts appréciables: chef incontesté, discipline des militants, organisation verticale de l’appareil, énormes moyens financiers, noyautage de l’Etat, clientélisme, soutiens extérieurs, etc.
Toutefois, l’atout maître du parti Ennahdha reste la désunion et la légèreté de l’opposition démocratique et républicaine. Dans aucun autre pays au monde, on ne trouve une opposition politique à ce point divisée sur l’essentiel et totalement gangrenée par les ambitions personnelles, les rancunes tenaces et la haine inexpiable de l’autre. Le mal est si profond qu’il devient difficile de rassembler une vingtaine de personnalités prêtes à s’entendre et à travailler de concert au salut du pays. Or l’alternance démocratique est à ce prix.
En outre et si l’opposition démocratique et républicaine entend gagner les prochaines élections et bénéficier d’un large soutien de la population, condition nécessaire au redressement du pays, il lui faut obligatoirement travailler à l’unisson pour proposer au pays une perspective économique et sociale viable et entraînante. Autant dire alors qu’il lui faut adopter au plus vite un programme commun de gouvernement et entrer dans la bataille électorale avec des listes communes. Faute de quoi, l’absentéisme électoral risque d’atteindre des sommets, au seul profit du parti Ennahdha. Car à défaut de gagner les élections, Ennahdha pourrait garder dans ce cas un immense pouvoir de nuisance lui permettant de rendre le pays ingouvernable et à tout le moins impossible à être réformé.
Tels sont les véritables paramètres à prendre en considération. Ils n’incitent certainement pas à l’optimisme, surtout si l’on tient compte des méfaits attendus du mode de scrutin. Pourtant, l’irréparable peut être évité pour peu que chacun accepte enfin de pousser dans la même direction, sans tapage et sans ego surdimensionné. Mais si cet irréparable doit survenir un jour, la faute incombera d’abord à l’élite de ce pays, à sa classe politique en général et à sa composante républicaine et démocratique en particulier, non aux menées de l’étranger ou à l’action séditieuse des extrémistes.
H.T.