Le 18 octobre 2013, le jour où le prestige de l'Etat a été bafoué
Ce 18 octobre 2013 restera sans doute dans l'histoire comme la journée où la rupture entre le pays légal et le pays officiel a été consommée, où le prestige de l'Etat a été bafoué comme il ne l'a jamais été. La cérémonie qui s'est déroulée ce vendredi au quartier général de la garde nationale à El Aouina, en hommage aux deux gardes nationaux tués jeudi lors d’un affrontement avec un groupe terroriste devait se tenir dans le recueillement et illustrer la symbiose entre le peuple et ses forces armées. Elle a surtout révélé le profond malaise au sein de ce corps d’élite qui a largement contribué à l’édification du nouvel Etat après l’indépendance. La cérémonie aurait dû commencer à 11 heures.Or trois quarts d'heure plus tard, « les trois présidents » devisaient encore tranquillement au salon d’honneur, sans avoir une seule pensée pour ces centaines d’agents, sur les nerfs, qui attendaient sous un soleil de plomb. Dire que cette attitude pour le moins maladroite n'a pas été appréciée, c'est peu dire.
Cela a commencé par quelques sifflets ici ou là, puis des quolibets qui se sont transformés très vite en clameur. Parmi les slogans scandés, le fameux « dégage » à l'adresse des «trois présidents». La cohorte d'agents se dirigea ensuite vers la salle d’honneur. On a craint le pire. Mais les trois présidents avaient déjà quitté les lieux, certainement par une porte dérobée. Sur les pancartes brandies on pouvait lire : « pour la neutralité de l’institution sécuritaire », « A quand la réactivation de la loi contre le terrorisme», et d'autres inscriptions plus ravageuses.La cérémonie a tourné très vite au procès contre le régime. En comparaison, les jets de pierre contre Moncef Marzouki et Mustapha Ben Jaafar à Sidi Bouzid en décembre 2012, à l’occasion du deuxième anniversaire de la révolution sont des vétilles. Le ministre de l’intérieur, ménagé par les manifestants, prononça une courte oraison funèbre. Il en profita pour décocher quelques flèches à qui de droit : « lorsque nous avions mis en garde contre le terrorisme, on nous avait reproché d’en exagérer le danger ».
Condamner la réaction des gardes nationaux, serait faire bon marché des sentiments d'injustice qui habitent aujourd'hui les membres de ce corps ainsi que les agents de sécurité d'une manière générale. Car l'attitude des trois présidents n'a été que la faute de trop, la goutte qui a fait déborder le vase. A tort ou à raison, ces agents se considèrent comme les mal-aimés de la république. Ils sont d'autant plus avides de reconnaissance qu'ils sont en train de payer le prix fort, avec l'armée, dans la lutte contre le terrorisme. Ce qui s'est passé ce vendredi n'était pas de nature à les rasséréner. En tout cas, la réaction des gardes nationaux a eu le mérite de montrer à quel point l’organisation d’élections était devenue une nécessité impérieuse pour le pays. Car avec cet incident, le régime vient de perdre le peu de crédit qu'il lui restait, et quoi qu'il fasse, rien ne pourra être comme avant.