Victor Sebag : Un photographe dans le siècle
Témoin au quotidien, tout au long du siècle écoulé, «des ruptures de l’histoire» en Tunisie, Victor Sebag, appareil photo en main, fixera des moments, des scènes et des personnages inoubliables.
Introduit depuis son jeune âge, grâce à sa famille, dans le sérail beylical de Tunis et, partant, dans le Tout Tunis, il nous lèguera un patrimoine inestimable qui a failli disparaître à jamais. Après son départ à Paris, à l’âge de 80 ans, un vol par effraction de son ancienne galerie d’exposition laissée à Tunis, survenu en 1995, mettra en péril une des photothèques les plus précieuses. Apprenant la triste nouvelle, Victor Sebag «va s’enfermer dans un mutisme total, ne parlant à personne, même pas à sa famille», nous apprend son fils Gérard, ancien rédacteur en chef à France 2. Heureusement que, comme par miracle, une partie de son œuvre est découverte dans des caisses à Paris.
Ainsi commence l’histoire de ce merveilleux livre, édité par Cérès en novembre 2010 et dont la sortie a été occultée par le déclenchement de la révolution. On découvre le grand photographe que Victor Sebag a été et on revoit à travers ses photos des pans de la Tunisie durant le XXe siècle. Un vrai régal. L’introduction, par Gérard Sebag, si bien romancée, plante parfaitement le décor.
L’éditeur, Karim Ben Smail, qui a eu l’initiative d’éditer ce livre, écrit en guise d’introduction : «L’histoire débute à la manière des contes de fées». Nous sommes en 1910, Mohamed Naceur Bey, 15e bey husseinite, offre au jeune Victor Sebag pour son treizième anniversaire un appareil photo. Dès lors, son destin est scellé : Sebag sera photographe. Plus rien n’échappera à son regard : la rue, la cour, le ciel, la mer et le désert. Devant son objectif défilent les beys, les aristocrates, les marginaux, les militants, les laïcs et les religieux ; se croisent les Tunisiens, les Français, les Italiens et tous les autres. Il fixera en image les palais du Bardo et la Kasbah, Moncef Bey à La Marsa, de Gaulle au Belvédère, Saint-Exupéry à Laouina, Chafia Rochdi à Carthage, Joséphine Baker à Dougga et les fileuses anonymes de Tozeur.
Dès les années 1910 et jusqu’au lendemain de l’indépendance, journaliste et reporter photographe, Sebag sera, tout au long du siècle, le témoin capital des grands moments de la vie sociale, politique et artistique tunisienne. Dernier directeur du journal tunisien Le Petit Matin, les plus grandes agences européennes et américaines le sollicitent. Il est le correspondant du New York Times, de L’Excelsior, de Wide World Photos, de L’Afrique du Nord illustrée. Ce livre est une véritable redécouverte. Après avoir été largement diffusée auprès de ses contemporains, son œuvre aujourd’hui méconnue, nous est enfin restituée. Ces pages offrent, pour la première fois, une splendide sélection de 230 photographies qui sont autant des œuvres d’art que des contributions majeures à la mémoire visuelle tunisienne du XXe siècle.
Tunisie 1910 / 1960
Victor Sebag, un photographe dans le siècle
Introduction de Gérard Sebag
Cérès Edition, 201, 254 p. 65 DTn