Fin de non dialogue
Force est de constater que le dialogue national a échoué. La voie y menant a été semée d’embûches dès le départ. Au point qu’il fut probablement déjà mort avant qu’il ne commençât. Hier soir, monsieur Houcine Abbassi a sifflé la fin du non dialogue.
Les faits montrent que les positions à rapprocher étaient de prime-abord incompatibles. Tout montre depuis longtemps qu’Ennahdha visait un seul objectif : son maintien au pouvoir. Quitte à user de tous les moyens à sa disposition (appareils de l’Etat, administration, argent suspect, violences des salafistes, etc), pour qu’il lui soit permis, un jour, d’organiser, par la fraude et dans des climats de violence, des élections truquées. Pour ensuite dire au monde entier que le peuple a choisi les islamistes pour appliquer enfin le véritable projet islamiste, qui passe par l’islamisation forcée de la société tunisienne et l’instauration d’une dictature théocratique. Mais un tel scénario s’est fracassé devant le rejet déterminé et le combat actif mené par les forces vives du pays. Celles-ci, largement unies derrière ses partis politiques, ses syndicats et ses mouvements associatifs, ont su organiser de vastes mobilisations populaires, toujours vivaces et attachées à l’objectif majeur des patriotes: sauver la Tunisie, en neutralisant les incompétents de la Troïka et leurs satellites.
Le non dialogue que nous venons de subir n’a abouti à rien. Ce fut un spectacle usant et désolant. Pourtant la solution était connue. Le choix du futur premier ministre devait être décidé par un vrai consensus et annoncé depuis plusieurs jours. Cela ne demandait que quelques moments de sincérité et de franchise de la part des principaux acteurs de la joute actuelle: le Quartette, Ennahdha et ses alliés, et le Front du Salut national (avec Nidaa Tounes et Front populaire). Hélas, cela n’eut pas lieu. Pire, certains ont cru bon de tenter d’imposer la candidature de monsieur Ahmed Mestiri à une classe politique qui n’en revenait pas, et à une presse fébrile qui a amplifié ce triste et grotesque épisode d’obstruction. Tout un tumulte pour fausser les cartes et gagner du temps, et pour ne rien décider. En plus des manœuvres naïves et irresponsables d’Ennahdha, l’échec du dialogue a été facilité par les attitudes incompréhensibles et déroutantes de formations gravitant autour du parti au pouvoir. Messieurs Marzouki, Ben Jaafar, et Chebbi, parmi les principaux acteurs, devront justifier aux Tunisiens, et plus tard aux historiens, la pertinence de leur positionnement en ce moment critique de l’histoire du pays. Que faire alors?
Tout simplement, revenir aux fondamentaux, c’est la seule voie de salut. Le reste en découlera. Les Tunisiens se battront avec espoir et confiance contre les obscurantistes et les terroristes qui leur veulent du mal; l’Etat tunisien et ses institutions (y compris justice, armée, police) seront appelés à jouer leurs rôles dans le cadre de leurs fonctions ou missions respectives.
Une page de l’histoire du pays est tournée. La légitimité électorale de l’ANC a vécu. Une nouvelle la remplace désormais : celle du consensus populaire. Objectivement, le centre de gravité de l’ancienne légitimité a irréversiblement glissé de l’ANC délégitimée vers ce nouveau cadre informel constitué autour du Quartette, devenu l’unique espace de la nouvelle légitimité. En dépit du constat d’échec de la phase du non dialogue qui vient de s’achever, le cadre créé pour le dialogue national devra être maintenu, comme l’a déclaré hier soir monsieur Houcine Abbassi, et continuer à fonctionner, avec ou sans Ennahdha. Si nécessaire, il aura à évoluer et à se structurer, pour se transformer, selon les circonstances, en centre de pouvoir alternatif d’où émaneraient les organes du nouvel exécutif, qui aurait à finir la prochaine transition, et conduire le pays vers de véritables élections libres et non truquées.
Abdellatif Ghorbal