News - 07.11.2013

Vivement la fin de l'anarchie et le retour du civisme

Tout est dans la transmission du pouvoir, non par le verdict des urnes, ou par un complot, mais sous la pression d’une forte crise et un impératif de consensus. Premier mouvement islamiste porté au pouvoir par des élections et confronté à cette épreuve, Ennahdha ne veut céder la place qu’à un homme investi de toute sa confiance. Cela vaut à ses yeux plus que tout accord et toute garantie. Officiellement, c’est pour réunir les conditions favorables à la tenue d’élections incontestables, mais aussi pour ne s’occuper que de cela, sans regarder dans le rétroviseur. Il n’aura pas en effet à remettre en question les décisions prises, réviser les nominations effectuées et aller fouiller dans les dossiers… Bref, quelqu’un qui prendra le relais et ne regardera qu’en face, tournant la page des deux gouvernements qui l’auront précédé.

La base du mouvement islamiste comme ses instances en font une condition absolue. D’où l’attachement non négociable jusqu’à nouvel ordre à Ahmed Mestiri. En face, il faut certes préparer les élections, mais aussi gérer le pays, c’est-à-dire prendre les décisions qui s’imposent. La porte, au lieu d’être fermée, comme l’entend Ennahdha, est ainsi ouverte, risquant même d’être largement ouverte. Le blocage était inéluctable.

Au-delà de ces enjeux respectifs, force est de reconnaître l’absence de toute vision effective quant aux réponses immédiates à apporter à la situation dans le pays. Aucun des nominés n’a été auditionné sur sa lecture du contexte et son plan d’action. Les priorités ne sont pas fixées et nul ne sait à quoi s’emploiera le futur chef de gouvernement, ne serait-ce que durant ses cent premiers jours. Tout s’est concentré sur les personnes et non sur les visions, les urgences et les programmes.

Ce mauvais départ pris dans «la démarche gouvernementale du Dialogue national» est imputable à l’opposition. Elle n’a pas su capitaliser sur la forte mobilisation populaire qu’elle avait suscitée au lendemain de l’assassinat de Brahmi, avec ce sit-in interminable au Bardo et ces grandes manifestations à répétition tout au long du mois d’août dernier. La forte pression ainsi exercée sur Ennahdha et ses alliés de la Troïka, décisive au début, et bien prise en considération, pouvait ainsi amener à des réponses positives immédiates: relève à la tête du gouvernement, limitation des prérogatives de l’ANC, création d’un groupe d’experts pour finaliser la constitution et clôture des travaux dans un délai très rapproché: il n’était pas très difficile de l’obtenir.

Avec beaucoup d’habileté, Ennahdha a su gérer la crise. Encaissant le coup, louvoyant, jouant sur les contradictions entre les différentes composantes de l’opposition, multipliant les annonces rassurantes au début, repoussant les échéances, précisant progressivement les termes et conditions de sa lecture de la feuille de route, il a gagné du terrain, repris confiance en lui-même, rassuré ses troupes et desserré l’étau que lui imposait l’opposition. Jusqu’à renverser la vapeur et se trouver en pole position dans le Dialogue national. Cédera-t-il sur Mestiri?

Ce n’est pas l’unique question que se posent les Tunisiens. Comment affronter le terrorisme, restaurer la sécurité, relancer la machine économique, nettoyer le pays de tous ces monticules qui jonchent les rues, mettre fin à l’anarchie et favoriser le retour du civisme? C’est la grande mission du nouveau gouvernement qui tarde à se former et à se mettre à l’œuvre.

T.H.