Le retour au système beylical: gérontocratie tunisienne
L’impasse du dialogue national sur la sélection du prochain chef du gouvernement a été un coup dur pour tout tunisien ayant souhaité que la classe politique tunisienne soit capable de surmonter ses contradictions et s’élever au niveau des défis majeurs auxquels le pays, et surtout son économie, fait face.
Il faut dire d’abord que la méthodologie suivie par le Quartet qui consistait à demander aux partis de proposer des candidats n’aura pas été la plus efficace. C’était partisaniser le débat et donc le compliquer et le crisper.
Mais ce qu’il y a de plus curieux c’est que les noms proposés - surtout les deux derniers concurrents - sont des octogénaires ou presque. Curieuse la Tunisie! Curieuse la Tunisie dont la Révolution a été l’œuvre de jeunes, assoiffés de liberté et de dignité, aspirant à un régime capable de leur assurer un travail et un revenu décents! Curieuse la Tunisie qui a engendré une classe politique qui n’est capable d’envisager pour sa gouvernance que des vieux!
Est-ce une aspiration au retour du système beylical? Je dis bien le système beylical et non le régime beylical qui est révolu depuis 1957. Ce système, comme l’on sait, donne le pouvoir au plus vieux de la famille beylicale. C’était la gérontocratie qui vient de deux mots grecs: geron (vieillard) et kratos (pouvoir). Elle se base sur l’idée que les vieux sont les sages.
Oui les vieux sont des sages mais il vaut mieux écouter leurs conseils et non leur confier le pouvoir pour gérer un pays dont les problèmes sont tels –sécuritaires et économiques- que ceux au pouvoir doivent s’y consacrer 16-18 heures par jour et sept sur sept. Même si leur volonté est de fer, leurs corps ne suivent point, sous le poids des années.
L’on se rappelle de la dynastie husseinite. A part des personnalités comme Sadok Bey et Moncef Bey, la gestion des membres de cette dynastie a amené la Tunisie à devenir un protectorat français. L’on se rappelle également de l’Union soviétique aux années de son déclin, avec comme dirigeants Leonid Brejnev, Iouri Andropov et Konstantin Tchernenko. Ce ne sont pas de bons exemples pour une nouvelle Tunisie, dynamique et innovatrice.
On aurait dû susciter des candidatures de personnes qualifiées mais dont l’âge ne dépasserait pas la cinquantaine et choisir par vote majoritaire au sein du groupe ayant signé la feuille de route du Quartet. Le prochain gouvernement devrait être musclé et ramassé, ne dépassant pas la quinzaine. Les portefeuilles ministériels devraient être regroupés au sein de départements de grande envergure.
Que la Tunisie qui a donné au XXI ème siècle sa première Révolution lui donne aussi l’exemple d’un transfert de pouvoir pacifique et civilisé permettant l’édification d’une démocratie vibrante et d’une économie émergente.
Dr.Moncef Guen