Après le vol de "Ganymède" à Carthage: comment arrêter le pillage?
Le vol de "Ganymède", vendredi soir, du musée paléochrétien de Carthage a sucité une émotion qui dépasse les frontières de la Tunisie. Pièce unique d’une valeur inestimable et datant du Vème siècle, elle fait partie du patrimoine universel protégé. Comment préserver ce patrimoine du pillage systématique, surtout en cette période de relâchement sécuritaire après la révolution ?
Les mises en garde lancées par Adnène Louhichi, directeur général de l’Institut national du Patrimoine, aux voleurs, receleurs et trafiquants impliqués dans ce vol soulignent qu’il s’agit d’une œuvre suffisamment connue dans le monde pour être immédiatement repérée et difficile à écouler, les invitant ainsi à la restituer. Son appel sera-t-il entendu. Au même moment, les autorités algériennes annoncent l'arrestation sur les frontières avec la Tunisie d'un groupe de contrebandiers en possession d'anciennes pièces de monnaies pillées dans des sites archéologiques et qui ont avoué être en connexion avec des terroristes. Là il ne s'agit plus de 'l'histoire pour l'histoire", mais du financement du djihadisme, ce qui est encore plus grave.
Des réseaux criminels mondiaux
Le véritable cri d’alarme est celui de l’indispensable protection du patrimoine. On l'a constaté en Irak après la chûte de Saddam, en 2003 et plus récemment en Egypte et en Syrie. En période de révolutions et de transitions, l’appétit des trafiquants d’œuvres d’art et de pièces archéologiques se trouve aiguisé et les vols se multiplient rapidement. Toute une chaîne d’intervenants se déploie. Il y a d’abord, des spécialistes commanditaires, agissant pour le compte de salles de ventes à la moralité douteuse et des collectionneurs peu regardants sur l’origine de leurs prises. Puis les malfrats du crime international organisé qui se mettent en branle, avec des complicités locales, et tout un réseau logistique d’opération, puis d’exfiltration. Tout cela, les autorités tunisiennes en charge dus musées et du patrimoine le savent bien. Mais, ont-elles obtenu les moyens nécessaires pour protéger nos trésors.
Dès le déclenchement de la révolution, révèle Louhichi, des mesures de première urgence ont bien été prises. Certaines œuvres ont été retirées et placées dans des coffres-forts. D’autres ont été mises en lieu sûr et remplacées par des copies. Mais, tout cela n’a qu’une portée limitée, en raison du nombre d’œuvres à protéger. L’ensemble du dispositif de surveillance, humaine et électronique, de gardiennage à plusieurs niveaux et de sécurité générale est à revoir. Un véritable plan de sécurité, prévoyant un renforcement significatif en moyens techniques et effectifs spécialisés est plus qu’indispensable.
Si beaucoup s’en soucient aujourd’hui après le par le vol de "Ganymède", peu nombreux sont ceux qui se mettront à l’œuvre. Le ministre de la Culture et Patrimoine, s’apprête à remettre son portefeuille. En attendant de connaître le nom de son successeur censé être annoncé dans les toutes prochaines semaines, aura-t-il le temps nécessaire pour lancer ce projet, absolument prioritaire ? Combien de temps prendra, aussi, son successeur, pour s’en occuper ? Et pourtant, il y a grande urgence.