Réalité ou fiction?
Une information bruit sur les réseaux sociaux. Selon Nicolas Beau, l’auteur des livres qui avaient connu un succès certain en leur temps, «Notre ami Ben Ali, et «La régente de Carthage», il y aurait la formation militaire de dix à douze mille jeunes militants nahdhaouis dans des camps d’entraînement à Khledia, Tataouine et Médenine. Faut-il prendre cette information incroyable comme réelle ou la considérer comme une intox vouée à accentuer le climat de tension qui n’a pas besoin de cela.
Si on met en parallèle cette information avec tout ce qui a couru ces derniers mois sur la peur des Nahdhaouis d’être jugés en cas de passation de pouvoir ou de défaite électorale, sur leurs tergiversations incessantes pour retarder le fameux dialogue national, sur leur empressement à nommer les leurs au sein de l’appareil d’Etat…, tout cela prouve une volonté farouche et déterminée de garder le pouvoir coûte que coûte. Iront-ils jusqu’à employer la violence pour parvenir à leurs fins?
Les dirigeants nahdhaouis ont-ils sauté le pas pour constituer des milices armées capables de prendre le pouvoir par la force? On ne parlerait pas de cela et on considérerait comme pur fantasme ce genre d’information s’il n’y avait pas déjà eu de précédents dans l’établissement d’un régime islamique. En Iran, ces mêmes milices appelées les «pasdarans» ont été le fer de lance de la répression et constituent jusqu’à ce jour le pilier du régime islamique après plus de trente années. C’est dire combien cette information, si elle se révélait exacte, serait une tragédie immense pour la Tunisie.
Alors, tout ce à quoi nous assistons, ce dialogue national et autres péripéties ne seraient que de la poudre aux yeux pour gagner du temps. Certains pensent même à une faillite programmée de notre pays pour instiller une dépendance économique et psychologique envers l’Etat islamique qui serait alors le saint pourvoyeur. Casser ce qu’on appelle «la classe moyenne» pour lui enlever toute envie de rébellion, celle-ci étant considérée comme le cœur battant de la résistance.
Ce sombre tableau qui en désespérerait plus d’un a-t-il un rapport avec la réalité? On le voit, on le perçoit tout autour de nous. Il suffit de rencontrer quelqu’un pour qu’il vous fasse part de son inquiétude, de son désarroi, de son incompréhension, de son indignation de ce qu’est devenu le pays. Nous le voyons sombrer sous nos yeux impuissants et des images cauchemardesques s’imposent à notre esprit… Les images de l’Irak, de la Syrie qui ont vu à l’œuvre cette idéologie islamiste avec son cortège de violences et de destructions… Les images traumatisantes des régimes islamistes en place avec leur répression cruelle envers les libertés publiques et privées. Encore une fois, se peut-il que notre pays, plusieurs fois millénaire, tombe dans ce piège grossier et primaire?
Que nous reste-t-il comme solution pour éviter ce qui se prépare? Certainement pas l’utilisation de la violence car elle serait la pire de toute et donnerait au pouvoir actuel la possibilité de se draper dans la légitimité républicaine pour exercer une répression féroce, rappelons-nous Siliana et ces tirs de chevrotines.
Non, la seule solution est la résistance passive, ce qu’on a appelé la non violence promue par Gandhi et Martin Luther King qui ont affronté des régimes répressifs avec leur seule volonté et une immense foi en leur victoire. Pour cela il faudrait une mobilisation citoyenne avec l’accord sans faille de tous les partis politiques qui refusent l’inéluctable. Une véritable stratégie qui dépasse les calculs politiques mesquins.
Le geste accompli par la population de Siliana est emblématique car il est le type même de résistance à mener. La population a quitté la ville en signe de protestation contre la cruauté de la répression qui a été exercée. Il faut de même que les populations de chaque ville et village de notre pays entament ce genre de résistance et prennent la route à pied pour se rendre à Tunis, pacifiquement, pour exiger des élections libres, honnêtes et transparentes et non cette mascarade électorale qui se prépare. Les images de ces foules bon enfant et enthousiastes, ces centaines de milliers de personnes marchant sur Tunis feraient le tour du monde et mobiliseraient toutes les télévisions internationales, elles obligeraient le pouvoir islamiste à céder sous peine de totalement se déconsidérer.
Il ne faut pas se faire d’illusions, nous courons tout droit vers une dictature qui ne dit pas son nom. Saurons-nous détourner le cours de cette fatalité annoncée ? On voudrait le croire.
Foued Zaouche