John Kennedy: le témoignage d'un Tunisien qui l'a bien connu, Bourguiba Jr
Ce vendredi 22 novembre coïncide avec le 50e anniversaire de l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Il n’a gouverné que pendant deux ans et pourtant, il a marqué l’histoire de son pays en développant le programme spatial américain, en créant le Corps de la paix, en lançant le programme «Nouvelle Frontière», destiné à aider les pays d'Amérique latine, et en contraignant, en 1962, l'Union Soviétique, alors au faîte de sa puissance, à retirer ses missiles de Cuba. Nous reproduisons ci-après ce témoignage éclairant de Bourguiba Jr(1) qui l'a bien connu :
En février 1961, le Président Kennedy venait de prêter serment et je fus le premier ambassadeur à lui présenter mes lettres de créance; nous nous connaissions depuis 1957, lorsque j’étais conseiller d’ambassade alors qu’il était sénateur.
Cette première mission – (1956-1957) – s’effectuait alors que l’on était en pleine guerre d’Algérie: Au printemps 1957, le sénateur J.F. Kennedy qui s’intéressait à ce problème voulut me rencontrer. Je lui ai rendu visite au Sénat et j’ai répondu aux questions, nombreuses et pertinentes qu’il m’a posées. Quelques semaines plus tard, il a prononcé, au Sénat, un discours qui eut un grand retentissement, à Paris et à Alger d’où le gouverneur Robert Lacoste, furieux, déclara publiquement que c’était le «petit con de Bourguiba Jr. qui avait écrit le discours de Kennedy»! Quand l’Agence France-Presse me demanda mon sentiment sur ces déclarations, je répondis que le gouverneur Lacoste m’honorait beaucoup, en m’attribuant la paternité de ce discours; quant au sénateur Kennedy, il était assez grand pour avoir ses idées sur la France, sur la guerre d’Algérie et sur le monde, et que de toute façon, je ne pouvais lui écrire ses discours, ne maîtrisant pas suffisamment l’anglais!
Lorsque j’arrivai à la Maison Blanche, on m’introduisit dans un salon d’attente: une porte s’ouvrit et que je fus interpellé par un «Hello, Habib !» Le Président Kennedy me traita très amicalement, se souvenant de nos entretiens de 1957. Il me dit: «Je crois que nous vivons tous les deux, vous et moi, un moment unique dans notre vie. Vous êtes le fils d’un Président, ambassadeur auprès d’un Président, fils d’un ambassadeur, et je ne sais pas comment faire pour recevoir vos lettres. Vous allez me l’expliquer !» Je lui expliquai qu’il fallait faire semblant de les recevoir, faire semblant de les ouvrir, de les lire, de les accepter et enfin, les confier à son secrétaire. C’est ainsi que je lui ai «appris» à recevoir des lettres de créance, entre deux sourires complices.
(1) Habib Bourguiba Jr. : Notre histoire
Entretiens avec Mohamed Kerrou
Edition Cérès, Octobre 2013
En vente en librairie et online: http://www.ceresbookshop.com/2064-habib-bourguiba-jr-notre-histoire.html
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