Menaces sur les fondamentaux de l'économie
Le verdict de l’Agence Tunisienne de Gouvernance (ATG) est sans appel : l’économie tunisienne est en train de couler, les paramètres de la bonne gouvernance ne sont pas respectés et les fondamentaux de l’économie tunisienne sont plus que jamais menacés. C’est ce qu’a conclu l’Association tunisienne de gouvernance lors de sa conférence de presse, tenue vendredi pour présenter le rapport annuel portant sur la gouvernance publique en Tunisie.
Deux grands volets ont été traités : un volet concernant la gouvernance politique et un deuxième portant sur la gouvernance économique et financière.
Gouvernance politique: les nominations partisanes, source de tous les maux
Selon Moez Joudi, président de l’ATG, les dysfonctionnement dans la gouvernance politique sont aussi nombreuses que dangereuses. Les nominations, basées sur les appartenances partisanes, au sein des institutions publiques sont la source de tous les maux selon, observe Moez Joudi. Allant à l’encontre des exigences de transparence, 90% des nominations dans le secteur public, de décembre 2011 à février 2013, auraient été basées sur des orientations partisanes et non pas en fonction des compétences, comme l’a révélé l’Union tunisienne du service public et de la neutralité de l’administration. Un chiffre alarmant et qui met KO les fondements même de la bonne gouvernance.
Moez Joudi s’est aussi attardé sur le fait que la constitution est rédigée par des non-juristes, ce qui va à l’encontre de la bonne gouvernance politique, surtout que la loi de l’organisation provisoire des pouvoirs publics a limité le mandat de l’Assemblée nationale constituante (ANC) dans son objet, mais pas dans la durée. Une erreur fatale selon le président de l’ATG puisqu’elle a fait du gouvernement le pouvoir réel du régime politique, alors qu’il relève de l’ANC.
Gouvernance économique et financière: l’économie coule
Concernant le volet économique et financier, le rapport annuel de l’ATG a relevé maints dépassements, en qualifiant la situation économique actuelle en Tunisie d’extrêmement dangereuse. Moez Joudi s’est même demandé s’il ne s’agissait pas d’une volonté délibérée de faire couler l’économie tunisienne !
Preuves à l’appui, l’ATG a démontré une mauvaise gouvernance économique et financière. Les sociétés confisquées, véritables atouts de l’économie tunisienne sous l’ancien régime avec une participation avoisinant les 18% du PIB, ont été, pour la plupart, mal gérées.
L’économie parallèle et le blanchiment d’argent, de plus en plus en vogue, ont également eu des répercussions néfastes sur l’économie tunisienne.
Avec une croissance qui piétine à se redresser, une inflation estimée à 6%, un taux d’endettement à 48%, un déficit budgétaire de 7 à 8% et une dépréciation du dinar tunisien (a perdu 10.6% de sa valeur en une année et représente un handicap majeur surtout que les importations, notamment en carburant, se font en devises), ce sont les fondements mêmes de l’économie tunisienne qui sont menacés.
La loi de finances a également été abordée par Moez Joudi qui a certifié que le pouvoir politique n’a pas pu concevoir une loi de finances pour les années 2012 et 2013, en affirmant que la loi de finances 2014 consiste une catastrophe imminente sur la classe moyenne.
Afin de remonter la pente, le gouvernement essaie d’appliquer la politique expansionniste du « go and stop ». Une politique non appropriée, selon l’ATG, pour relancer l’économie et qui, puis est, risque de déstabiliser les équilibres vitaux.
Quant au rôle de la Banque Centrale (BCT) et la Cour des comptes, l’ATG a révélé une absence intégrale de contrôle e la part de ces institutions qui n’arrivent pas à remplir correctement leurs tâches.
L’ATG a présenté plusieurs recommandations, dont la mise en place d’un processus de bonne gouvernance indépendant des politiques, la nécessité d’étendre le pouvoir de la Cour des comptes et le développement de la BCT, ainsi que l’obligation de la relance de l’économie en s’appuyant sur l’investissement et non pas sur la consommation comme c’est le cas aujourd’hui.
Meher Kacem